Dossier : Financiarisation du logement - Champ libre au privé
Logement social et logement abordable : deux réalités bien différentes
La principale caractéristique du logement social (HLM, coopératives et OSBL d’habitation) est qu’il est sans but lucratif. L’objectif n’est pas de faire du profit, mais de répondre aux besoins des ménages locataires à faibles et modestes revenus.
Généralement, il est subventionné par les gouvernements et les villes, ou l’a été à l’origine. Ces subventions permettent d’offrir des logements à un prix qui respecte la capacité de payer des locataires. De plus, en étant une propriété collective, le logement social garantit aux locataires un certain contrôle sur leurs conditions de logement, même dans le cas des HLM, puisque tous ces offices d’habitation ont l’obligation de créer des comités de résident·es.
L’expression « logement abordable » est largement utilisée au Canada depuis le début des années 2000 et l’est de plus en plus au Québec. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) et la Stratégie fédérale sur le logement, un logement est abordable si le ménage y consacre moins de 30 % de son revenu avant impôt. Mais cette dénomination fourre-tout est en vérité élastique, et ce que l’on entend par elle dépend des programmes gouvernementaux.
Ainsi, certaines initiatives issues de la stratégie fédérale prescrivent, par exemple, qu’un logement abordable coûte 80 % ou moins du coût médian du marché. D’autres exigent que le loyer ne dépasse pas ce chiffre cité plus haut de 30 % du revenu de l’ensemble des ménages, propriétaires ou locataires, ce qui peut s’appliquer à des loyers de plus de 2000 $ par mois.
Quoiqu’il en soit, les loyers calculés à partir de ces définitions dépassent la capacité de payer de nombreux ménages ayant des besoins impérieux de logement. Pire, plus de la moitié des unités construites dans chacun des ensembles subventionnés n’ont pas à être abordables, alors que 100 % le sont dans le cadre de programmes de logements sociaux.
Le logement dit abordable peut être sans but lucratif, mais il peut aussi être le fait de promoteurs privés à but lucratif. Dans ce dernier cas, il ne contribue pas, contrairement au logement social, à l’accroissement du patrimoine collectif pour faire face aux besoins des prochaines générations et aux crises à venir. Au contraire, les logements dits abordables construits par ces promoteurs contribuent à la logique inflationniste et spéculative qui cause de plus en plus de mal-logement.
Au Québec, le terme a été récemment ajouté dans la Loi de la Société d’habitation du Québec (SHQ). Le gouvernement caquiste a entretenu la confusion en nommant son nouveau programme Programme d’habitation abordable Québec, lequel finance à la fois du logement privé et du logement social. La Ville de Montréal entretient, elle aussi, le flou avec son Chantier Montréal Abordable où, malgré les demandes répétées, notamment du FRAPRU, il n’y a aucune offre de logements hors du marché privé.
L’expression « logement abordable » évoque donc des logements aux coûts extrêmement variés, puisque ce qui est abordable pour un ménage de classe moyenne ne l’est pas pour un autre à très faible revenu. Une bonne partie des logements subventionnés sont maintenant, en vérité, non abordables. De plus, il est prévu que des logements « abordables », construits à l’aide de programmes fédéraux et québécois, ne le resteront que pendant un temps limité.