Mini-dossier : Le transport est un bien commun !
Mobilité durable : un chaînon manquant
« Le tramway s’est imposé au fil des années, car il répond à une logique de réaménagement urbain, de planification des transports et de préoccupations environnementales. C’est un choix politique : il s’ancre dans une logique de développement durable, permet de repenser la mobilité urbaine et les projets d’urbanisation. Le tramway est également devenu un outil de promotion de la ville, car implanter un tramway c’est aussi vouloir renouveler l’image de la ville qui l’accueille. » [1]
Après qu’ils eurent été chassés de nombreuses villes, incluant Montréal, Québec et Sherbrooke, une nouvelle génération de tramways est réapparue partout dans le monde. On y voit maintenant l’un des modes de transports les mieux adaptés à un environnement plus sain et à une ville plus conviviale.
De nombreux pays ont accru leurs investissements dans les infrastructures de transports collectifs et actifs. Le résultat est notamment un regain de la part du rail dans les services de transports, lequel s’intègre à la popularité croissante des aménagements axés sur les transports collectifs (Transit-Oriented Development ou TOD).
À cet égard, la renaissance de réseaux modernes de tramways représente le chaînon manquant entre le mode léger, autobus et SRB (système rapide par bus) et les modes lourds (trains de banlieue et métro). Son coût d’implantation est largement inférieur à celui du métro ou du métro automatique léger (le skytrain de la CDPQ-Infra) tout en induisant une qualité de service, un niveau de confort et surtout un effet structurant sur l’aménagement beaucoup plus importants que l’autobus, même en voies réservées.
L’exemple de Lyon
Un retour en force qui a clairement façonné les villes françaises. L’expérience de Lyon est fort révélatrice. Entre 1986 et 1995, l’ajout de onze stations de métro (hausse de 50 % du réseau) n’a pas empêché la poursuite du déclin des transports collectifs et actifs au profit de l’automobile.
De 1995 à 2015, s’il y a eu sept nouvelles stations de métro, le plus déterminant fut l’ajout de six lignes de tramways, avec 92 stations (tableau 1). La part modale de la voiture a diminué de 9 % (une baisse de l’utilisation de 17 %), tandis que le transport collectif a gagné 5 % de part modale, (une croissance de 37 %). Le taux de possession d’automobiles a chuté de 14,3 % entre 2006 et 2015 dans le quartier central Lyon-Villeurbanne et de 7,8 % pour l’ensemble de la Métropole de Lyon. (Sytral, 2016)
Lyon anticipe maintenant de faire passer la part modale de l’automobile à moins de 35 % des déplacements d’ici 2030. (voir tableau 1)
Un tel scénario est-il envisageable pour l’ensemble des grandes villes québécoises ? Oui, avec l’intégration de plusieurs réseaux de tramways modernes, reliant notamment des Écoquartiers denses, aménagés en TOD.
La construction du tramway de Québec est bel et bien lancée et, contre toute attente, le gouvernement s’est mis à l’écoute des scientifiques et expert·es et vient d’annoncer que le troisième lien sera finalement un tunnel réservé aux transports collectifs ! Il serait logique d’y mettre un tramway. L’impact attendu du tram de Québec est une hausse des taux d’achalandage des transports collectifs de 30 % à court terme et jusqu’à 50 % par la suite.
Le cas de Montréal
À Montréal, la privatisation d’une partie de notre réseau de transport collectif au profit du projet de Réseau express métropolitain de la CDPQ-Infra a monopolisé l’attention et les investissements publics, tout en retardant de plusieurs années le développement du seul mode susceptible de nous permettre réellement d’atteindre nos objectifs de transition énergétique, le tramway.
Par dollar investi, le tramway permettra de réaliser près de dix fois plus de kilomètres de lignes et 20 fois plus de stations que les prolongements du métro (comparé à la ligne bleue). On peut raisonnablement estimer qu’un réseau de trams permettra d’offrir au moins quatre fois plus de kilomètres de lignes et douze fois plus de stations par dollar investi qu’avec le skytrain de la CDPQ infra. Au moins, car le contrat facturé (pour 99 ans…) par la CDPQ-Infra représente, dans les faits, une hausse des coûts d’opération par rapport aux alternatives publiques que représentent tramway, train de banlieue ou métro.
En évitant de dilapider les fonds publics dans un skytrain qui, en fait, vise à privatiser une partie du réseau de transport collectif, dans l’Est, à Laval et à Longueuil, un scénario réaliste nous permet d’envisager entre 2030 et 2040 la mise en service de près de 140 km de tramway (soit deux fois la longueur du réseau de métro) offrant près de 250 stations de transport collectif électrifié (soit presque quatre fois plus que le métro), confortables et accessibles universellement.
L’ossature en serait, à court terme, le Réseau électrifié est-ouest de Montréal partant de Dorval et Lachine, avec une antenne vers Lasalle, se rendant au centre-ville, puis reliant l’est de Montréal et offrant un réseau en boucle desservant Montréal-Nord, Rivière-des-Prairies et Pointe-aux-Trembles (80 stations pour 60 km, pour un coût semblable à celui du prolongement de la ligne bleue).
De nombreux avantages
Contrairement au skytrain aérien qui amplifie les vibrations, le nouveau tramway s’avère particulièrement silencieux et s’insère harmonieusement dans les quartiers résidentiels.
En offrant l’accessibilité universelle pour un très grand nombre de stations, un réseau de trams contribuera à diminuer les coûts croissants du transport adapté, tout en répondant au vieillissement de la population en pouvant offrir plus de places assises.
Le tramway est également adapté aux conditions hivernales, comme le démontre l’expérience de nombreux pays du nord de l’Europe et de l’Europe de l’Est.
Les temps de parcours dans l’est et le nord de Montréal ont été simulés pour 30 trajets différents, en auto, avec les transports collectifs actuels, pour le REM envisagé (aérien et souterrain) et avec un futur tramway. Le tram est systématiquement plus avantageux que le service de bus actuel et s’avère plus rapide que le skytrain pour 26 trajets sur 30, en tenant compte du trajet porte-à-porte (omis dans les évaluations du REM). Ces tendances sont accentuées lorsqu’on prend en compte la valeur du temps perçue, que ce soit pour accéder à la station ou relativement au confort offert.
Il demeure possible de mettre un tramway en mode souterrain ou aérien au besoin, si les surcoûts sont jugés justifiés sur certains segments du tracé, tout en conservant un mode en surface pour la plus grande portion des trajets desservis.
Finalement, les trams contribueront fortement à tendre vers la carboneutralité. Ils permettront d’accroître de façon spectaculaire le nombre de stations de transport collectif électrifié par fil accessibles à distance de marche, un facteur essentiel pour favoriser le transfert modal. Leurs émissions par passager-kilomètre sont dix fois moindres que celles du skytrain (qui fait un usage massif du béton). Ils favorisent la densification de la population aux stations et tout le long des corridors desservis, l’aménagement d’écoquartiers et de quartiers sans voitures. Ils permettent une augmentation rapide de l’offre de transport (jumelés à quelques SRB). Ils réduisent les crises financières découlant de la privatisation partielle du réseau. Et ils rendent ainsi possible un abaissement des tarifs.
Pour toutes ces raisons, le tram à Montréal permettra de se rapprocher de l’objectif du Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) de faire passer la part modale en pointe dans la Communauté métropolitaine de Montréal de 26 % (en 2018) à 35 % en 2031.
[1] Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement et CERTU (2011), Le renouveau du tramway en France, p. 3 : www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1072818.pdf