Claude Vaillancourt
La fin du néolibéralisme. Regard sur un virage discret
Claude Vaillancourt, La fin du néolibéralisme. Regard sur un virage discret, Écosociété, 2023, 197 pages.
Va-t-on enfin voir la fin du néolibéralisme ? Au regard des crises récentes, le crash financier de 2007, le réchauffement climatique et la COVID-19, on ne peut que l’espérer. Malgré son titre choc, le dernier livre de Claude Vaillancourt décrit plutôt un virage discret dans notre monde actuel, avec ses opportunités et ses dangers.
Le propos est convaincant. Le cadre idéologique qu’offrait le néolibéralisme depuis les années 1980 a perdu de son attrait. On ne peut plus aujourd’hui affirmer sans ombrage que des politiques de libre-échange, de laissez-faire, de privatisation ou d’austérité vont engendrer, de façon automatique, un avenir meilleur. De plus en plus de personnes se rendent compte, en effet, que de telles politiques accentuent les inégalités, ne garantissent pas l’accès à des produits essentiels et sont nuisibles pour la planète. Aussi, les grandes firmes transnationales, comme les GAFAM, les entreprises pétrolières ou les grands groupes financiers sont régulièrement critiqués pour leurs manquements à l’éthique, leurs fraudes fiscales et leurs contributions aux problèmes écologiques.
Malgré ces critiques, les changements substantiels se font cependant attendre, affirme Claude Vaillancourt. Le monde d’hier était surtout polarisé entre la vision néolibérale du développement et celle, plus minoritaire, des altermondialistes. Pour l’auteur, deux tendances se dessinent actuellement : la croissance d’un discours progressiste timoré dans la majorité des partis, de centre droit et de centre gauche, et la montée des partis d’extrême droite, décomplexés. Signe des incertitudes actuelles, les votes aux dernières élections dans de nombreux pays se sont répartis entre quatre ou cinq partis. C’est le cas au Québec, malgré la victoire de la CAQ surtout pour des raisons de mode de scrutin, et en France. Aux États-Unis, les deux grands partis se sont partagés entre les partisans de Trump et les autres républicains, et entre les partisans de Bernie Sanders et les démocrates de Joe Biden.
Après cette analyse politique, l’auteur se livre à une lecture sociologique de notre société. En six courts chapitres, il couvre la dangereuse montée de l’extrême droite dans de nombreux pays, l’ouverture à la diversité parfois pour des raisons mercantiles, l’hystérisation de la communication et l’hypermultiplication des médias, la place grandissante que certaines entreprises multinationales prennent dans nos vies, l’hégémonie culturelle des États-Unis malgré ses excès, et le péril bien réel du réchauffement climatique après des décennies de mensonge et de lobbyisme.
Sortir du virage discret et entrer dans l’ère « post-néolibérale », propose Claude Vaillancourt, demandera de nouvelles stratégies de militantisme. Si la fin du néolibéralisme apporte son lot d’incertitudes et de dangers, elle libère aussi les esprits et les actions potentielles. L’auteur conseille aux mouvements sociaux de ne pas tomber dans le piège des divisions internes, mais de rallumer l’élan commun, éteint par la pandémie. Il suggère aussi d’inventer des stratégies différentes pour contrer l’extrême droite. Venant d’un militant avec plus de 20 ans d’expérience, membre du conseil du Front commun pour la transition énergétique (FCTÉ), président d’Attac-Québec et membre du collectif d’À bâbord, ce livre offre des analyses et des conseils précieux.