Frédéric Legault, Arnaud Theurillat-Cloutier et Alain Savard
Pour une écologie du 99% : 20 mythes à déboulonner sur le capitalisme
Frédéric Legault, Arnaud Theurillat-Cloutier et Alain Savard, Pour une écologie du 99% : 20 mythes à déboulonner sur le capitalisme, Écosociété, 2021, 293 pages.
Pas besoin d’être spécialiste des questions relatives au capitalisme et à l’urgence climatique pour apprécier cet essai. Il se présente en effet comme un manuel à la fois documenté et limpide, qui souhaite interroger les raisons pour lesquelles le capitalisme fait barrière à l’écologie. Il se veut, en quelque sorte, un « cours accéléré d’autodéfense sur l’économie du capitalisme et les stratégies politiques pour le dépasser ».
Les auteurs proposent tout d’abord une définition du capitalisme, dont les principaux leviers consistent dans des pratiques de concurrence et d’accumulation. L’appropriation des profits, de la force de travail et des ressources naturelles préside à une organisation sociale essentiellement fondée sur l’économie. Ils mettent aussi en relief le caractère foncièrement antidémocratique du capitalisme.
On nous rappelle que le capitalisme n’est pas « naturel » dans la mesure où il n’appartient qu’à un moment de notre histoire et que d’autres modes de production ont existé et sont possibles. Ce système repose entre autres sur l’idée d’une croissance infinie, soi-disant profitable à chacun·e, mais en réalité nuisible à tou·tes. Le mythe de la croissance omet en effet de mettre en évidence sa contribution à la dégradation tragique de notre environnement. Cela dit, la croissance à tout prix semble indissociable du capitalisme et elle est rendue nécessaire par l’impératif de la concurrence .
L’ouvrage suggère également que la responsabilité des individus dans le dérèglement climatique est moindre qu’on voudrait nous le faire croire. On aura beau blâmer la consommation et les consommateur·trice·s, il n’en demeure pas moins que l’un des fléaux à la base de la destruction de l’environnement est celui de la surproduction. Ce n’est donc ni le recyclage, qui peut avoir des effets positifs, ni l’économie circulaire, nourrie elle aussi par la surproduction, ni la diminution de notre consommation individuelle, bien qu’elle ne puisse pas nuire, qui auront un impact significatif sur la réduction des GES. Il faut plutôt impérativement modifier le mode de production industriel, et surtout combattre la toute puissante industrie fossile et la dépendance aux carburants.
C’est donc à partir de ce modus operandi rapportant constamment les effets à leur cause que les auteurs s’attachent à déconstruire quelques idées reçues et quelques fausses vérités. D’où les trois grandes parties du livre : critiquer, d’abord, pour faire voir notamment l’aporie d’un discours culpabilisateur pour les individus. Proposer, ensuite, pour ouvrir des brèches de solidarité et d’altruisme dans nos pratiques et dans nos vies et pour nous donner des alternatives économiques. Organiser, enfin, en développant de meilleures bases démocratiques partout où cela est possible, en évitant de compter démesurément sur les réseaux sociaux, et surtout en agissant prestement, dans la perspective d’un dépassement du capitalisme.
Ce livre, à la fois savant et accessible, fournit un ensemble impressionnant de notes et de références. Les propos sont illustrés par des tableaux et des graphiques. Chaque chapitre se termine par un tableau récapitulatif. On y pousse même le souci pédagogique jusqu’à proposer un glossaire et une bibliographie sélective et commentée. De plus, on trouve en annexe des conseils pratiques pour s’engager dans l’action. Enfin, tout en rassasiant les plus avertis par sa richesse, l’ouvrage a été écrit dans une langue sans prétentions, qui ne rebutera pas les néophytes.
Les trois auteurs ne font pas de concessions quant au désastre actuel de la situation écologique et en ce sens, leur livre est réaliste. Mais aussi, leur promotion d’une stratégie du 99 % instille l’espoir en fournissant des motifs et des moyens pour agir.