Fred Vargas
L’humanité en péril - Tome 2
Fred Vargas, L’humanité en péril - Tome 2, Flammarion, 2022, 272 p.
Bien connue pour ses romans policiers, l’autrice Fred Vargas a mis son manteau de chercheuse pour donner une suite à son essai L’humanité en péril, consacré à l’urgence climatique. Cette fois, elle aborde les conséquences de la raréfaction de ressources naturelles. Selon elle, nous nous rapprochons du moment où il manquera de ce qui a permis de construire le monde tel que nous le connaissons : pétrole, charbon, gaz naturel. À cela s’ajoutent de nombreuses autres ressources enfouies dans le sol, tout aussi indispensables, en voie de disparition elles aussi.
Dans un horizon qu’elle fixe autour de l’année 2050, une crise majeure des transports nous forcera à tout remettre en cause (l’autrice parle de la « fin des transports »). La pénurie de carburant mettra fin à l’usage de ce qui est aujourd’hui indispensable pour déplacer les marchandises : avions, bateaux à moteur, camions et tracteurs. Ils ne pourront plus exister parce que l’énergie électrique n’aura tout simplement pas la puissance de charge suffisante pour les faire fonctionner. De plus, même les véhicules électriques ne pourront plus se déployer à cause du manque de ressources pour les construire et à cause d’une réduction majeure de la production d’électricité. Vargas prévoit aussi la fin du numérique. Plusieurs des métaux nécessaires à son fonctionnement seront en manque bien avant la fin du siècle et le recyclage des produits électroniques sera nettement insuffisant pour régler le problème. Nous n’aurons tout simplement plus d’ordinateurs, de téléphones portables, de tablettes, de réunions Zoom…
On peut alors prendre la mesure des immenses transformations qu’il faudra mettre en place si l’on veut assurer la survie des populations. Selon l’autrice, le réchauffement climatique ne sera plus une menace majeure : il sera limité à 1,7°C à cause de l’épuisement des hydrocarbures. Il faudra cependant vivre sans les machines qui nous rendent la vie si facile. Vargas établit de façon convaincante les grandes priorités de la transition obligée qui s’en vient. Elle propose, entre autres solutions, le retour des chevaux et des bœufs, dont elle détaille toutes les conséquences de leur utilisation : productivité, gestion des excréments et des carcasses, nombre de spécimens requis, alimentation du cheptel, conséquences sur l’agriculture, etc.
L’essai de Vargas surprend par sa précision. L’autrice semble avoir une boule de cristal et décrit l’avenir comme si elle y était. Elle le fait de façon très documentée : son essai est rempli de statistiques et de calculs, et ses propos résultent d’une impressionnante compilation de données, un travail de grande envergure. On sait cependant que rien n’est plus risqué que de prédire l’avenir, et malgré l’importance de sa recherche, il est très difficile de croire que tout se déroulera comme elle le décrit.
Cependant, Fred Vargas accomplit un exercice salutaire. Au rythme où nous les consommons, et sans se soucier de les préserver le plus longtemps possible, il va de soi que les ressources naturelles seront de plus en plus rares et de moins en moins accessibles, que cela se produise demain, comme elle le croit, ou beaucoup plus tard. Il est essentiel que nous changions radicalement notre approche dans leur exploitation : il faut réduire celle-ci autant que possible et planifier avec précision ce qui arrivera après, pour éviter le pire. C’est à cet indispensable travail que s’adonne Vargas. En espérant que cette approche aura d’importantes suites.