La sortie dépend de nous

No 091 - Printemps 2022

Éditorial du numéro 91

La sortie dépend de nous

Le Collectif de la revue À bâbord !

Le numéro 91 sera lancé dans le cadre des journées de réflexion sur le syndicalisme québécois « Reconstruire des ponts, remporter des victoires », qui se tiendront les 29 et 30 avril 2022 à l’UQAM. Détails à suivre !

Depuis deux ans, le gouvernement du Québec s’est engagé dans une lutte contre la COVID-19. Agissant tantôt trop tard (notamment concernant le port du masque, la ventilation et les tests rapides), tantôt avec une précipitation abusive, le gouvernement a enfreint plusieurs règles fondamentales de la démocratie, notamment par la gouvernance par décret qu’il a instaurée pour des raisons d’urgence. Bercé par le chant des sirènes d’une possible réélection, il n’a, croit-il, de comptes à rendre à personne.

La CAQ s’est spécialisée dans des calculs à la petite semaine. Un laisser-aller dans la compilation des cas laisse au gouvernement les coudées franches pour prendre des décisions souvent hâtives, voire injustifiées. Toute sa stratégie anti-COVID a été conditionnée par le nombre de lits disponibles dans les hôpitaux. Or, celui-ci est l’un des plus bas des pays de l’OCDE et résulte d’années de mesures d’austérité budgétaire qui ont particulièrement affecté notre système de santé. Rappelons aussi à quel point ces mêmes choix douteux ont affecté le fonctionnement des CHSLD et ont favorisé leur privatisation, ce qui a mené à la catastrophe du printemps 2020.

Lorsqu’elle était dans l’opposition, non seulement la CAQ a soutenu les compressions du gouvernement libéral, mais elle en demandait davantage. Il fallait encore « couper dans le gras », soutenait-elle. Maintenant au pouvoir, elle doit gérer les effets du système hors de contrôle issus de ces coupes, avec comme principales victimes les travailleurs et travailleuses de la santé, épuisé·es et débordé·es, et l’ensemble de la population québécoise, qui doit subir parmi les plus dures mesures de confinement.

Voilà maintenant deux ans que les mouvements sociaux progressistes adoptent une posture de repli défensif devant cet état des choses. Cela s’explique probablement par le choc que nous avons tou·tes dû encaisser ainsi que par les difficultés énormes de mobilisation en contexte de crise sanitaire. Peut-être aussi avons-nous entretenu l’espoir, comme après la crise financière de 2008, qu’un tel cataclysme révèlerait de manière incontestable l’impasse dans laquelle le capitalisme néolibéral nous mène. Les derniers mois nous montrent au contraire qu’on ne sortira pas de cette situation sans action collective.

Tout indique qu’on cherche à normaliser cette situation chaotique, avec un système de santé plus exsangue que jamais, un personnel scolaire et des parents qui doivent improviser face aux éclosions dans des écoles vétustes, la répression de boucs émissaires et un coût de la vie galopant. Business as unusual, il faut s’adapter ! Pendant que les brevets sur les vaccins sont maintenus, les milliardaires encaissent toujours davantage et les gouvernements opèrent confortablement en suspendant les processus démocratiques. « Apprendre à vivre avec le virus » est la formule la plus malheureuse qu’on nous ait servie ces derniers mois. Elle cache mal la banalisation et les ratés successifs de plus en plus évidents des stratégies sanitaires lorsqu’ils dansent le tango avec les sondages électoraux.

La sortie de cette pandémie ne se fera pas si nous ne reprenons pas l’initiative. Les mouvements sociaux doivent se mobiliser autour d’une feuille de route à la fois simple, rassembleuse et ambitieuse : levée des brevets sur les vaccins, impôt spécial visant les profiteurs de la pandémie, mesures de soutien social et communautaire d’envergure pour tous les milieux fragilisés, investissements publics massifs en santé et en éducation, valorisation concrète des travailleuses et travailleurs dit·es « essentiel·les ». Plus nous retardons cette vaste mobilisation, plus cette horrible situation risque de se normaliser, au Québec et dans le monde, créant du même coup un précédent pour la crise climatique à nos portes. Il faut agir.

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