Bienvenue aux réfugié·e·s, plus que jamais !

No 071 - oct. / nov. 2017

Éditorial du numéro 71

Bienvenue aux réfugié·e·s, plus que jamais !

Le Collectif de la revue À bâbord !

S’arracher à sa terre natale. Tout laisser derrière soi, pour faire le grand saut vers un autre monde, celui qui offrirait, peut-être, la paix, la sécurité et de meilleures chances de s’épanouir. Que de souffrances recèle un tel déracinement ! Dans les sociétés d’accueil, comme la nôtre, qui sait vraiment à quel point ce processus est douloureux ?

On dit souvent qu’on mesure le niveau de développement d’une société à sa capacité d’aider les êtres les plus vulnérables qui y vivent. Que dire des États-Unis, où à grands coups de politiques divisives (wedge politics), l’administration Trump séduit cyniquement sa base électorale ? Pour Trump, les malheurs qui affligent le pays, comme le chômage et l’exclusion sociale, sont causés par « l’étranger », à commencer par les deux voisins immédiats – partenaires dans l’ALENA – et l’immigration. La révocation du statut des Dreamers (ces 800 000 jeunes immigré·e·s sans papiers aux États‑Unis, dont le sort est incertain) relève du même délire calculateur et xénophobe.

La politique étrangère des États-Unis participe pourtant de la déstabilisation de sociétés entières, aux quatre coins du globe, ce qui bouleverse l’existence de millions de personnes, appelées parfois à considérer l’exil afin d’alléger quelque peu leurs malheurs. Plus souvent qu’à son tour, le Canada s’est montré complice de ces perturbations néocoloniales qui nourrissent aujourd’hui l’afflux de réfugié·e·s à nos frontières.

Pourtant, au lieu de regarder en amont, à la source même du problème, les gouvernements et les médias canadiens attirent notre attention sur les manifestations superficielles du problème : le travail accompli par nos émissaires aux États-Unis afin de convaincre les Haïtiano-Américain·e·s de ne pas entrer « illégalement » au Canada, le nombre de lits dans les camps érigés aux frontières, les modalités de distribution des chèques d’aide sociale, etc.

Selon les spécialistes des migrations internationales, il n’y a pas de crise des migrant·e·s au Canada. Notre pays a déjà connu des vagues d’immigration autrement plus costaudes, sans jamais que sa stabilité soit compromise pour autant. Mais dans un contexte de désinformation, combien ici usent de démagogie et alimentent les peurs les plus sombres pour appuyer leur programme réactionnaire ?

Chez nous comme là-bas, une droite identitaire en effervescence use de la même rhétorique pour nous dresser les un·e·s contre les autres. Il faut voir Jean-François Lisée (PQ) et François Legault (CAQ) invoquer les capacités budgétaires limitées de l’État, qui selon eux n’aurait pas les moyens d’assister ceux et celles cherchant asile ici. De façon mesquine, on brandit le sort des personnes soignées en CHSLD pour justifier cette incapacité de payer. 

Il fut un temps où le Parti québécois aurait demandé de couper les millions octroyés au gouverneur général, ce représentant de la monarchie britannique, pour financer les CHSLD et les organismes d’accueil des migrant·e·s, durement touchés par les coupes. On semble plutôt avoir accepté la prémisse centrale du discours austéritaire, selon laquelle le Québec n’a plus d’argent. Puisqu’il faut couper, coupons ailleurs que chez les « nôtres » ! Les mêmes qui ont instrumentalisé le féminisme contre les accommodements raisonnables et pour la Charte des valeurs veulent maintenant nous faire croire qu’ils dénoncent une frontière « passoire » (dixit François Legault) par compassion pour « nos » pauvres et « nos » aînés. Quebec First !

Comment barrer la route à cette intolérance ? La question semble sur toutes les lèvres. Elle transparaît dans la récurrence des débats autour de la liberté d’expression et du recours à la violence dans les manifestations. Au-delà de ces échanges parfois nécessaires mais souvent dommageables, au-delà de la Meute et des manières d’y faire obstacle, ne perdons pas de vue ces politicien·ne·s et chroniqueurs·euses qui récoltent et entretiennent la haine et la suspicion de l’autre, par toutes sortes de formules à demi-mot. Ils portent une responsabilité toute particulière pour le pourrissement du climat social actuel et doivent être dénoncés haut et fort. Surtout, n’oublions pas de répéter, chaque fois qu’il sera nécessaire, que nous sommes internationalistes et solidaires de tous les peuples dans leur recherche de liberté et de justice.

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