Émanations fugitives

No 071 - oct. / nov. 2017

Le poisson gaspésien et le pétrole

Émanations fugitives

Gérald McKenzie

En Gaspésie, la lutte contre l’exploitation pétrolière s’organise. L’occupation du site Galt de la compagnie Junex par des militant·e·s masqué·e·s et soutenu·e·s par le camp de soutien établi sur la route de Murdochville le montre. Ces actions remontent à l’annonce du gouvernement du Québec d’annuler toute exploration pétrolière sur l’Île Anticosti.

En effet, depuis que le premier ministre Charest a favorisé la création de Pétrolia et lui a accordé un permis d’exploration, on a assisté à des revirements spectaculaires : création d’un « front » anti exploration entre Jean-Charles Pietacho, Chef des Innus d’Ekuanitshit près de Mingan, de Luc Noël, préfet de la MRC de la Minganie et de John Pineault, maire d’Anticosti, pour amener l’UNESCO à déclarer l’Île patrimoine mondial. Les Innus ont également déposé une demande d’injonction étant donné qu’ils et elles n’avaient pas été consulté·e·s dans le processus, malgré leur droits ancestraux de chasse et de pêche sur Anticosti depuis des siècles. À cela s’ajoute la décision controversée du gouvernement de retirer les permis d’exploitation aux pétrolières et de promettre de généreuses compensations financières.

Compensations et austérité

D’ailleurs, pourquoi tant de largesses et de promptitude de la part du ministre Leitão alors que le juge n’a pas encore pris de décision sur la demande d’injonction ? Jusqu’à la dernière minute, les pétrolières débattaient en cour pour faire annuler cette demande d’injonction même si, déjà, on savait que la décision de Québec allait dans le sens de retirer les permis. De plus, tout indiquait que des difficultés supplémentaires pour obtenir les permis du fédéral se pointaient en raison du rejet des eaux contaminées dans les rivières et la mer.

De sérieuses questions se posent sur les montants qui ont déjà été versés aux pétrolières, et en particulier à Pétrolia qui exige la plus grosse part. Le ministre Leitão a vite répondu aux demandes de compensations financières en disant à la population de ne pas s’inquiéter, car le gouvernement avait de l’argent de côté pour ça. Ces largesses font contraste avec les coupures en santé et dans les services publics qui serviront au final à remplir les poches de ces compagnies qui se sont lancées dans cette aventure. Mentionnons que Pétrolia a été cotée en bourse grâce au potentiel pétrolifère d’Anticosti et vendue très rapidement au plus haut de sa valeur. C’est à se demander si la vérificatrice générale ne devrait pas mettre son nez dans tout le processus à partir de ses débuts.

En Gaspésie, les groupes environnementalistes soupçonnent que les argents versés serviront à explorer et exploiter d’autres sites. Ce que la Cie Junex s’apprêtait à faire à Galt, à 20 km de Gaspé. On craint que la méthode de production soit la fracturation, même si les promoteurs prétendent que l’extraction du pétrole sous forme de gaz serait moins dommageable pour l’environnement. Le porte-parole d’Environnement vert plus, Pascal Bergeron, souligne plutôt que les émanations fugitives de la fracturation sont très néfastes et contribuent en très grande partie à l’augmentation du gaz carbonique. Autrement dit, cette solution n’est pas plus viable si on pense contribuer à la réduction du réchauffement climatique.

Juste au moment où la pêche aux homards finissait en Gaspésie pour s’ouvrir à l’Île Anticosti, que la morue fraîche est presque devenue une rare bénédiction grâce aux prises accidentelles et que des dizaines de baleines noires meurent dans le golfe du Saint-Laurent se heurtant, semble-t-il, aux câbles des cages au crabe déposées au fond de la mer et aux cargos qui filent vers Montréal et les Grands Lacs, on apprend que Québec versera 20,5 millions à Pétrolia. Au moins, Anticosti, grâce aux Innus, à la Minganie, aux gens de l’Île et aux pressions des militant·e·s environnementaux, restera le joyau qu’elle a toujours été. Qu’en sera-t-il de la Gaspésie ?

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