Dossier - Transition écologique, le grand virage
La novlangue « environnementaliste »
L’environnement, le changement climatique et la transition énergétique se trouvent sur toutes les lèvres et dans tous les médias depuis un certain temps, car la planète est en crise. Pourtant, le pouvoir n’est ni aveugle, ni sourd. Il a vite compris qu’il fallait mettre tout en œuvre pour rassurer une population inquiète. Au cœur de l’effort pour calmer le peuple : le langage. Voici un court regard sur trois concepts qui maintiennent le statu quo.
Développement durable
Ce concept a été développé sur le plan international dans le années 1980 autour du Rapport Brundtland. Au Québec, il atterrit dans la loi du même nom, adopté en 2006 : « Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs [1] ». Le développement durable embrasse donc la croissance, celle nécessaire pour satisfaire « aux besoins du présent ». Il ne remet donc ni en cause ces « besoins », ni l’assaut sur les ressources naturelles de la Terre que leur maintien exige. Au nom du développement durable (pour protéger notre mode de vie actuel), le Québec octroie un feu vert au développement des ressources pétrolières en Gaspésie et le gouvernement Trudeau approuve la construction de l’oléoduc Kinder-Morgan. La logique du développement durable permet de réconcilier l’irréconciliable en prétendant que l’on peut développer l’économie sans nuire à l’environnement et que nous n’avons pas à modifier en profondeur notre mode de vie pour le protéger.
L’acceptabilité sociale
En 2017, le gouvernement du Québec a rendu publiques les orientations en matière d’acceptabilité sociale qui encadreront dorénavant toute décision touchant « la mise en valeur des hydrocarbures ou de projets miniers, éoliens, hydroélectriques, récréotouristiques ou industriels [2] ». Au mieux, le terme est flou, référant aux conditions à mettre en place pour faire accepter un projet. En cela, le terme s’apparente à une stratégie de marketing selon laquelle ni le rejet d’un projet, ni la recherche des alternatives au modèle proposé ne sont soumis au débat, rendant ainsi caduque la possibilité des communautés d’exercer leur droit de dire « non ». Au pire, l’acceptabilité sociale signifie « le droit de la majorité de décider ». En fait, l’acceptabilité sociale réutilise une vieille pratique de marketing : la vente d’un produit dont personne n’avait besoin. Un oléoduc, par exemple, ou un dépotoir de déchets nucléaires. Pourtant, aucun effort de marketing, même s’il obtient l’aval de « la majorité », via un processus de consultation acceptable, ne devrait justifier la mise en œuvre d’un projet de développement qui viole les droits d’une minorité de la population ou qui ouvre la voie à l’avancement des intérêts économiques d’un promoteur qui briment les droits de l’ensemble de la population.
Responsabilité sociale des entreprises
Apparenté à l’acceptabilité sociale, le concept de la responsabilité sociale des entreprises lie ensemble deux mots qui, dans l’ordre actuel, ne vont pas ensemble. Le mot « oxymore » vient rapidement à l’esprit. Loin de remettre en cause les relations qui caractérisent le capitalisme, ce concept les camoufle. Quand cela fait son affaire, Bombardier est socialement responsable : aidé par des subventions publiques impressionnantes, il a créé bien des emplois québécois de qualité. Cependant, quand cela ne fait pas son affaire, Bombardier devient différemment responsable. Responsable envers ses actionnaires, il crée du « chômage responsable ». Ailleurs dans le monde, la responsabilité sociale implique le plus souvent des mesures cosmétiques qui visent à amadouer la population afin qu’elle ne questionne pas le cœur du problème. Par exemple, des compagnies minières bâtiront une école près de la mine afin de s’assurer l’appui de la population et d’améliorer leur image tout en déversant des produits chimiques gravement dommageables dans les cours d’eau, en détruisant l’environnement et en minant le développement local futur des communautés. Tout cela en volant leurs ressources naturelles sans leur donner le droit de décider de leur avenir.
[1] Loi sur le développement durable, article 2. Disponible au : http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/D-8.1.1
[2] Idem.