Pour une école publique et citoyenne !

No 069 - avril / mai 2017

Éditorial du no 69

Pour une école publique et citoyenne !

Le Collectif de la revue À bâbord !

Rarement a-t-on autant parlé d’éducation que depuis ces dernières années. Des grandes manifestations du printemps érable aux chaînes humaines autour des écoles primaires et secondaires, les revendications d’une large partie de la population sont claires : il faut assurer une éducation accessible et de qualité dès l’école primaire.

Mais notre gouvernement a fait le choix aberrant de soumettre le réseau de l’éducation à d’éprouvantes mesures d’austérité. Les compressions budgétaires dans les écoles ont eu un effet immédiat. Elles favorisent entre autres un système à deux vitesses, qui permet aux plus favorisés de profiter d’une école privée qui récolte ainsi une grande partie des bons élèves, laissant aux écoles publiques les classes les plus difficiles. Qui plus est, les écoles privées bénéficient d’une enveloppe de fonds publics non justifiée au détriment des écoles publiques sous-financées.

Plutôt que de résoudre le problème en accordant un financement suffisant qui permettrait aux enseignant·e·s de travailler dans de bien meilleures conditions et de rendre l’école publique plus attrayante, on la laisse calquer le modèle concurrentiel du privé en pratiquant une semblable sélection pour certains des programmes spécialisés, continuant ainsi à vider les classes ordinaires des meilleur·e·s élèves.

Le gouvernement favorise aussi une marchandisation en « douceur », au bénéfice de l’entreprise privée plutôt que de celui des usagers. Cette tendance se retrouve autant dans l’enseignement supérieur que dans les écoles secondaires, sous la forme d’une multiplication des passerelles permettant d’accéder rapidement au marché du travail, et ce, au détriment d’une formation générale de base complète.

Dans certains de ces programmes au secondaire, les élèves termineront leur « formation » par des stages non rémunérés en entreprises, bien souvent dans l’industrie du service et de la restauration rapide. Ces multiples « diplômes » sont comptabilisés dans les statistiques du taux de diplomation du secondaire, ce qui permet à l’État de se vanter de son augmentation. Et que dire de l’introduction d’un cours d’éducation financière au secondaire, qui grugera dangereusement le cours « Monde contemporain » et qui apprendra aux élèves, à défaut d’être de bons citoyens, à devenir de bons clients des grandes institutions financières !

Dans l’enseignement supérieur, l’« adéquation formation-emploi », défendue par les libéraux, a exactement les mêmes objectifs de multiplier les diplômes et d’affaiblir la formation générale, dans le but de plaire aux patrons. Pourtant, une formation trop calquée sur le marché du travail implique la transmission de savoirs minimalistes et utilitaristes, ce qui, en fin de compte, pourrait rendre les étudiant·e·s plus vulnérables aux fluctuations du marché de l’emploi. On dénature complètement la mission première de l’école qui est de former des citoyen·ne·s, et non uniquement des travailleurs·euses.

L’offensive néolibérale prend un autre aspect dans la formation collégiale. Entre autres menaces, les établissements d’enseignement pourraient décerner des diplômes locaux. Nous assisterions donc à la fin d’un diplôme national. Dans ce contexte, les cégeps seraient ultimement forcés de se positionner dans des rapports de compétition malsaine pour l’obtention d’un plus grand nombre de « client·e·s » ou carrément afin d’assurer leur survie. Les diplômes collégiaux deviendraient des produits de consommation ordinaire, soumis à l’implacable logique de l’offre et de la demande.

* * *

Notre système d’éducation mérite beaucoup mieux, d’autant plus qu’il est porté à bout de bras par un personnel qui est parvenu à y maintenir une qualité indéniable, malgré les compressions. De plus, les maisons d’enseignement québécoises, par leurs missions, contribuent à l’édification de valeurs communes de respect et de « vivre ensemble », et ce, de l’école primaire à l’université. Elles s’élèvent en une sorte de rempart face aux discours intolérants, voire racistes, de plus en plus audibles.

Il est donc plus nécessaire que jamais de redonner son caractère public à l’éducation, de ne plus la laisser aux mains de fonctionnaires et de ministres qui en décident les priorités à notre place. Les 50 ans des cégeps et les États généraux de l’enseignement supérieur, deux événements qui auront lieu dans l’année en cours, seront des moments à saisir afin de mettre en avant une éducation qui peut porter un projet de société plus juste, égalitaire, inclusif et respectueux des gens et des territoires.

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