Pour un syndicalisme hors des sentiers battus

No 069 - avril / mai 2017

Camp de formation de Lutte Commune

Pour un syndicalisme hors des sentiers battus

Valérie Beauchamp

Le réseau Lutte Commune attire des militant·e·s dont les origines syndicales sont fort variées. Il faut bien le reconnaître, c’est dans cette diversité que ce mouvement trouve l’essentiel de sa spécificité et de sa pertinence.

Selon Marie-Ève Parent, l’une des organisatrices, le camp visait à « organiser une gauche militante syndicaliste qui a de la difficulté à se retrouver dans les grands appareils syndicaux ». Mme Parent croit beaucoup à l’impact que peuvent avoir de tels rassemblements basés sur l’éducation populaire et qui coalisent les individus dans un esprit de communauté dépassant les clivages des différentes organisations syndicales dont ils sont issus.

De la nécessité de se rencontrer

Cette fin de semaine de janvier fut donc pensée comme un espace où les personnes critiques du syndicalisme traditionnel peuvent se rencontrer et dialoguer ensemble. Tisser des liens entre des réalités individuelles pour les inscrire dans des conditions structurelles communes représente d’ailleurs l’un des buts de toute activité d’éducation populaire ; une étape essentielle à la conscientisation.

Sur ce point, l’objectif du camp de formation est largement atteint si l’on se fie à quelques témoignages recueillis au cours de ces deux journées : « Les ateliers permettent de mettre des mots sur ta réalité. » « Il est vraiment intéressant d’entendre les expériences des autres, de se dire que finalement, on vit tous et toutes un peu la même chose. » « Cette journée-là te permet de réaliser que les mêmes problématiques sont vécues dans tous les syndicats. Qu’on n’est pas chacun dans notre coin à penser comme ça, ou à trouver que telle réalité, c’est un problème. Ça fait du bien. » Les participant·e·s, en sachant dorénavant que plusieurs personnes partagent leurs opinions, craindront moins de se faire marginaliser en prenant la parole dans leur milieu de travail une fois le camp terminé, ils et elles se sentiront plus légitimes de proposer des réflexions et des actions plus radicales. C’est ainsi qu’est pensée l’organisation d’un contre-pouvoir à l’intérieur des instances syndicales officielles par les organisatrices et organisateurs du camp.

J’ai par ailleurs senti un certain désarroi chez celles et ceux qui vivaient leur première expérience de militantisme à l’extérieur des structures syndicales traditionnelles. Le syndicalisme ne répond plus à leurs attentes et à leurs aspirations, mais comment le transformer ? C’est pour répondre à cette question que plusieurs personnes étaient présentes. Au cours du camp de formation, justement, on a cherché à aller à la racine du problème : la façon dont les centrales syndicales définissent les luttes et les organisent. Une participante résume ainsi cette critique face aux centrales : « On se focalise plus sur des procédures, sur des façons de faire, plutôt que sur des luttes qui sont communes, des luttes de société. La lourdeur de l’administration, dans les centrales syndicales, nous bloque dans notre capacité à nous mobiliser avec l’ensemble de la société. » Pour plusieurs, il y a donc un manque d’articulation entre les luttes syndicales et celles d’autres secteurs de la société civile. Le cadre administratif des centrales est pointé du doigt, car il limite la possibilité de lier leurs prises de position à des mouvements sociaux globaux. Mais que fait-on face à ces constats ? Comment s’organiser autrement à l’intérieur des structures syndicales actuelles ? Cette question restera en suspens.

Malgré un certain désarroi, l’enthousiasme des participant·e·s était palpable tout au long de la fin de semaine. Celles-ci et ceux-ci avaient un réel besoin d’un lieu d’échanges basé sur des valeurs communes, au-delà des clivages entre groupes syndicaux. Comme le dit une participante : « Ici, on se retrouve sur des enjeux communs, sur ce qui nous unit plutôt que sur ce qui nous divise. C’est intéressant de voir du monde de différents syndicats se mettre ensemble pour essayer de créer de façon commune. » Il y a du bon à se retrouver entre nous et à partager une vision de l’action syndicale où notre parole est valorisée plutôt que mise à la marge, comme c’est le cas pour certains des militants actifs dans leur syndicat, étiquetés comme trop radicaux.

Quelle suite ?

Or, certain·e·s, certain·e·s participant·e·s se questionnaient sur les retombées du camp de formation. Elles et ils ont beaucoup appris et sont repartis avec des idées novatrices pour la mobilisation de leurs membres. Mais quels seront les impacts à l’extérieur du cercle habituel des militant·e·s ? Une vague impression d’être encore une fois entre personnes convaincues et un appel à une diffusion large des constats de ces deux jours sont ressortis de plusieurs conversations captées pendant la fin de semaine.

À lire sur le même sujet : « Un camp tout en équilibre » d’Isabelle Bouchard

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