Dossier : Cégeps. 50 ans d’existence
L’éducation des adultes. Une réforme inachevée
La création des cégeps visait à sortir l’éducation de la domination des établissements privés et à démocratiser la participation à l’enseignement postsecondaire. En effet, les objectifs du rapport Parent ne concernaient pas seulement les jeunes, ils visaient aussi à offrir aux adultes un projet en « éducation permanente ». De toute évidence, on est loin du compte !
Au cours des 25 premières années des cégeps, on constate une hausse continue des effectifs étudiants, même si le nombre de jeunes dans la population a commencé à diminuer. Ce résultat s’explique notamment par une participation accrue des 25 ans et plus à l’enseignement ordinaire. Parallèlement, les effectifs dans le secteur de l’éducation des adultes (EDA) ont atteint un sommet en 1988, avec près de 80000 inscriptions, soit le tiers des effectifs étudiants totaux. Il s’agit véritablement de l’âge d’or de l’EDA au collégial.
Or, ce nombre a chuté dramatiquement par la suite, pour s’établir à moins de 30000 en 2006 ! La baisse fut plus forte que celle observée à l’enseignement ordinaire. Si la baisse démographique rattrape les cégeps, elle n’explique pas tout à l’EDA. Les contraintes budgétaires amènent les collèges à conditionner l’offre de formation au financement.
Le parent pauvre du système d’éducation
La base du système de financement des cégeps repose sur les inscriptions à temps complet. Si une personne étudiante ne l’est pas, elle n’est pas comptabilisée pour la subvention. Dans les commissions scolaires et à l’enseignement universitaire, il n’y a pas de distinction semblable entre le temps plein et le temps partiel. Ainsi, les cégeps demandent non seulement des frais afférents, mais aussi des frais de scolarité pour les cours à temps partiel. On a vu cet hiver un collège demander plus de 500$ pour un cours de 28heures ! Contraints aux « enveloppes fermées », les collèges privilégient les scénarios parrainés par Emploi-Québec !
Pourtant, le potentiel est là. Selon des données de l’Institut decoopération pour l’éducation des adultes, deux tiers des effectifs étudiants à l’EDA au cégep ont 25 ans et plus, alors qu’à l’université et au secondaire, ce groupe d’âge est à égalité avec les moins de 25 ans [1]. Aussi, la formation à temps partiel postsecondaire est en croissance ailleurs dans le monde.
Ouvrir les cégeps aux adultes
Comme l’affirmait la commission Parent, la gratuité scolaire ne peut se limiter à l’enseignement ordinaire : « Que ces adultes aient un emploi ou non, nous croyons, à peu près pour les mêmes raisons que pour les jeunes de 17 et 18 ans, qu’on doit adopter à leur endroit un régime de gratuité scolaire. » Elle prévoyait aussi que la demande concernerait principalement le perfectionnement et le recyclage professionnels. L’accès à l’éducation se conjugue ici avec le droit au travail.
Toutefois, le financement crée un travers dans l’offre de cours. On cherche plus à répondre aux besoins d’Emploi- Québec et des entreprises qu’aux choix des adultes. Si la gratuité de la formation était assurée dans les programmes, l’offre de cours pourrait s’enrichir et les collèges pourraient mieux adapter leurs activités aux besoins des adultes. Il s’agit là d’un enjeu du droit des adultes à accroître leurs connaissances et leurs capacités.