Le privilège de dénoncer

No 096 - Été 2023

Kharoll-Ann Souffrant

Le privilège de dénoncer

Eve-Marie Lacasse

Kharoll-Ann Souffrant, Le privilège de dénoncer, Remue-ménage, 2022, 120 pages.

Dans ce petit essai percutant né aux Éditions du Remue-ménage, l’autrice féministe Kharoll-Ann Souffrant, collaboratrice d’À bâbord ! dont les travaux de recherche et les interventions publiques portent sur les croisements entre racisme anti-noir, genre et violences sexuelles, s’adresse à ses consœurs survivantes de violences sexuelles.

Le privilège de dénoncer nous initie au concept de « misogynoire », encore peu utilisé au Québec : cette misogynie raciste pratiquée envers les femmes et les filles noires. En se basant sur ce concept, Kharoll-Ann Souffrant décortique pourquoi et comment les femmes et les filles noires sont invisibilisées dans l’espace public lorsqu’on parle de violences sexuelles : elle nous entretient des impacts actuels de l’esclavage et du colonialisme, du sexisme, des graves carences du système de justice quand il est question de violences sexuelles, des stéréotypes liés à la sexualité des femmes et des filles noires, etc.

Kharoll-Ann Souffrant démontre que les femmes et les filles noires sont invisibilisées en tant que survivantes de violences sexuelles, mais qu’elles sont aussi invisibilisées au sein de la lutte contre les violences sexuelles et au sein du mouvement féministe dominant en nous rappelant (ou nous apprenant, c’est selon) que le mot/mouvement #MeToo a été originalement lancé en 2007 par une femme noire, Tarana Burke, pour dénoncer les violences sexuelles perpétrées envers les femmes racisées. Mais qui sait cela aujourd’hui ?

D’entrée de jeu, Kharoll-Ann Souffrant nous fait aussi connaitre son choix juste et assumé de ne pas faire sienne la honte que les agresseurs et le système veulent imposer aux victimes de violences sexuelles, le premier chapitre de l’ouvrage étant une dénonciation de tous ceux – institutions et individus – qui n’ont pas agi pour l’appuyer et contre son agresseur alors qu’elle était jeune adolescente.

La honte doit changer de camp, on ne le dira jamais assez. Et pour ce faire, il faut absolument élargir la compréhension sociale des violences sexuelles en prenant en compte l’intersectionnalité des oppressions, ce concept honni par le gouvernement Legault. Cet ouvrage nous presse de le faire.

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