Julie Doucet
Maxiplotte
Julie Doucet, Maxiplotte, L’association, 2021, 400 pages.
Julie Doucet constitue sans contredit –, surtout si on se donne la peine de parcourir ses planches grouillantes de détails inusités et de clins d’œil – une figure vertigineuse de la BD underground québécoise, mais aussi internationale – cette réédition française de son œuvre l’affirme haut et fort, tout comme le Grand Prix du festival de la BD d’Angoulême, qu’elle a reçu en mars.
Pour mieux situer cette œuvre féministe – c’est-à-dire qui affirme et qui porte des propos partisans liés au sexe féminin – il faut revenir fin 1980, quand Julie Doucet se lance en autoéditant à la photocopieuse les premiers cinquante exemplaires de son fanzine coup de poing Dirty Plotte, bien en phase avec le mouvement Riot Girrrls. Plotte pour vulve, mais aussi pour répliquer à ce terme péjoratif aussi employé pour femme.
Dans ses comics, l’autrice se met en scène de façon autobiographique – nouveau pour l’époque – non sans négliger l’aspect débridé des rêves, qui sont un matériau de choix pour elle. D’aucuns dénonceront une provocation crue, indécente, exhibitionniste et un chouia délirante. Doucet, réputée timide, a tout simplement joué la carte de la licence subversive dans la mesure où, atteignant à l’origine un public ultra confidentiel, il n’y avait pas lieu de se limiter. Découvrir ou replonger dans ces pages, le plus souvent en un radical noir et blanc, nous ramène devant les tampons, pénis et autres menstruations qui frappent l’imagination.
Ce (très) beau livre avec un dos toilé orange vif est conçu, sur le plan éditorial et artistique, par Jean-Christophe Menu, lui-même auteur, fan de la première heure et membre fondateur de L’Association, qui a été parmi les tout premiers éditeurs à publier Julie Doucet. (Au Québec, juste avant, c’est Chris Oliveiros qui en avait fait son tout premier livre lié à la revue Drawn & Quarterly.) Ce pavé de quatre cents pages couvre la quasi-intégralité de la douzaine de numéros de Dirty Plotte (1990-1998), Ciboire de criss !, Monkey & the Living Dead ainsi que plusieurs BD inédites, de très bonnes interviews et des extraits du journal manuscrit de Doucet. Manquent seulement ses livres de collages plus récents, publiés chez L’Oie de Cravan.
On retiendra également la dédicace aux « fabricatrices de fanzines et, plus spécialement à Geneviève Castrée » – une Québécoise trop tôt disparue qui s’inspirait de Doucet…