François Grisé
Tout inclus
François Grisé, Tout inclus, Atelier 10, 2021. Tome 1, 122 pages ; Tome 2, 120 pages.
Il y a des pièces qui deviennent des livres avec plus d’aisance que d’autres : c’est le cas de Tout inclus, tomes 1 et 2, de François Grisé. Grâce aux sections « à propos de la pièce », « mot des dramaturges », « mot de l’auteur », postfaces et autres photos de la pièce mise en scène, on se sent habilement pris·e en charge par les éditeur·rices. La forme documentaire est d’ailleurs particulièrement propice à l’expérience de lecture : on est presque dans l’essai. À la suite d’une statistique ou de la conclusion d’un·e intervenant·e, on a tout le loisir de relire deux fois le passage du texte pour mieux le comprendre. Cependant, à ce sujet, quelque chose me titille. Le théâtre et la BD documentaires présentent-ils toujours leurs intervenant·es de la même façon ? Typiquement, le nom de l’expert·e y est énoncé, suivi de son âge et de sa profession : « (Au public) Jacques Nantel, soixante-trois ans, professeur émérite de marketing au HEC. » Loin d’être une formule fautive ou désagréable, je crains toutefois que cette pratique ne devienne rapidement éculée si elle continue d’être employée telle que telle.
Autrement, je ne saurais trop insister sur la pertinence d’aborder le devenir vieux et le devenir vieille dans une œuvre théâtrale. D’emblée, le choix du titre empreint de douce ironie − le tout inclus des résidences pour aîné·es versus celui des vacances idéalisées par beaucoup − met la table à un ton relativement irrévérencieux. L’auteur ne va pas jusqu’à traiter les élu·es en poste de criminel·les envers les personnes âgées, mais il ne mâche pas ses mots, ce qui est rassurant sur la charge critique de l’œuvre. Dans le premier tome, Grisé s’amuse davantage avec la langue que dans le deuxième : la correspondance, voire l’oxymore, entre Val-d’Or et l’âge d’or coule de source et il est particulièrement plaisant d’avoir les propos rapportés des résident·es de la RPA qui s’expriment comme le faisait mon grand-père : « C’est ben d’valeur », « Avoir de l’ouvrage », « Un foyer pour personnes âgées ». Finalement, je demeure positivement impressionnée par la mise en abime permise par le théâtre documentaire. Comme il est intéressant d’avoir accès au processus en train de se faire de l’artiste : ses écueils, ses joies, ses questions sans réponses !
Bref, on voit sans effort la plus-value que ce texte incarne en tant que livre, tout en ne manquant pas de se taper sur les doigts de ne pas s’être présenté·e au théâtre en personne quand c’était le temps ! À quand de nouvelles représentations ?