Au nom des femmes

No 095 - Printemps 2023

Sara R. Harris

Au nom des femmes

Viviana Isaza

Sara R. Harris, Au nom des femmes, M Éditeur, 2022, 304p.

L’autrice Sara R. Farris est professeure en sociologie à l’Université Goldsmith de Londres. Elle s’intéresse aux mouvements féministes, au racisme et au marxisme. En 2017, elle publie la version originale de son livre In the Name of Women’s Rights : The Rise of Femonationalism aux Presses universitaires de Duke. Dans cet ouvrage, elle expose sa thèse sur le fémonationalisme : elle est la première à introduire ce terme dans l’analyse politique.

 Pour Farris, le fémonationalisme est l’exploitation des termes féministes par les parties nationalistes de droite et néo-libéraux qui renforcent leurs campagnes anti-Islam et anti-immigration au nom de l’égalité des genres. La notion de fémonationalisme offre un cadre théorique permettant l’analyse du déploiement de l’égalité des genres dans les campagnes xénophobes et dans les programmes politico-économiques visant notamment l’intégration civique des immigrant·es. L’autrice démontre que la revendication de l’inclusion des genres est imposée comme une valeur supérieure qui est fondamentale à l’intégration des immigrant·es dans une société occidentale. Cependant, cette valeur renforce le caractère raciste et nationaliste de leurs programmes et leurs campagnes en décrivant les Autres masculins, les non-Occidentaux, comme des oppresseurs, et les Autres femmes comme étant des victimes, des femmes qu’il faut sauver. Cette notion de « racialisation du sexisme » (p. 81) renforce la propagande des partis nationalistes de droite : les Autres ne représentent pas les valeurs occidentales. Cette formation idéologique s’inscrit dans des contextes spécifiques permettant l’instrumentalisation ou l’institutionnalisation du fémonationalisme.

 L’ouvrage académique est divisé en cinq chapitres étayant l’instrumentalisation du fémonationalisme et les paradoxes de cette stéréotypisation dans les rôles sociaux et économiques des femmes. Par exemple, l’autrice nous démontre comment le rôle des femmes dans l’économie alimente paradoxalement la féminisation et la racialisation des marchés du travail au lieu de favoriser l’émancipation des droits des femmes. Par conséquent, il y a une contradiction lorsque les féministes ou les fémocrates poussent l’émancipation des femmes musulmanes et non occidentales tout en les orientant dans les secteurs domestiques peu rémunérateurs et précaires comme femme de ménage, gardienne, assistante pour les personnes âgées, tandis que le mouvement féministe cherche à libérer les femmes de ces secteurs (p. 33). Dans son analyse multidimensionnelle des dynamiques sociales, politiques et économiques, elle démontre que ce n’est pas une simple contradiction rhétorique, mais une « contradiction performative ». (p. 33).

 L’autrice se réfère au contexte des Pays-Bas, de la France et de l’Italie depuis les années 2000 pour l’étude du fémonationalisme. Elle tente de faire ressortir les parallèles sur les contextes nationaux et les acteurs et actrices politiques pour démontrer le caractère transnational du fémonationalisme (p. 35). Elle offre cette théorisation pour mettre une analyse politique de ce phénomène dans la politique nationale des pays d’Europe occidentale, mais pour l’Occident en général (p. 36).

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