Dossier : Bas-Saint-Laurent - Dépasser l’horizon
De l’exode à la reconquête
L’agriculture, la foresterie et la pêche côtière ont longtemps dominé l’activité économique de cette région. À partir des années 1950, l’industrialisation et l’urbanisation accélérée du Québec entraînent le territoire dans une profonde mutation marquée par la chute des économies traditionnelles et l’exode des populations éloignées vers les grands centres.
Les « Opérations dignité » qui se sont opposées à la fermeture de villages en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent constituent un marqueur historique de cette période de grands bouleversements. Aujourd’hui, le Bas-Saint-Laurent se distingue par la diversité de ses activités et son image de culture et de nature, à la source d’un art de vivre qui contribue à retenir la population et à exercer une attraction sur de nombreux résident·es des agglomérations métropolitaines en quête d’une meilleure qualité de vie. Or, l’étendue du territoire et la diversité géographique et socioéconomique de cette région entraînent l’absence d’une identité bas-laurentienne forte. Ce sont plutôt les sous-régions (comme le Kamouraska, la Matapédia, la Matanie ou Rimouski-Neigette) qui sont les espaces d’appartenance. Regard sur ces identités multiples.
Diversité territoriale
Les méthodes de travail, hautement mécanisées, voire automatisées et robotisées, en agriculture comme en forêt, participent à accroître la productivité et les rendements, mais diminuent d’autant les besoins en main-d’œuvre.
L’affaiblissement des secteurs agricole et forestier comme moteurs de développement des communautés rurales a été progressivement compensé par l’essor d’autres fonctions. Activités de transformation, économie du savoir, développement résidentiel, loisirs, tourisme, villégiature, préservation du milieu naturel, mise en valeur des potentiels énergétiques et autres ressources naturelles sont autant de fonctions qui se partagent désormais l’espace rural avec l’agriculture et la foresterie.
L’industrie bioalimentaire occupe une place importante dans la structure économique du Bas-Saint-Laurent. La valeur de sa production est estimée à 780 M$, soit 11 % du PIB régional et 3,2 % du PIB du Québec.
Avec l’urbanisation progressive des centres de peuplement, 15 municipalités ont acquis un statut de ville, dont Rimouski, Rivière-du-Loup et Matane sont de véritables pôles régionaux. D’autres, de plus petites tailles, complémentaires aux villages, desservent en biens et services les territoires ruraux qui les entourent. C’est Amqui, Trois-Pistoles, Dégelis, La Pocatière, Pohénégamook, etc. Les anglophones ont une expression savoureuse pour désigner ces petites villes au cœur de la campagne : « country towns ». Ce réseau de petites et moyennes villes compte une diversité d’entreprises manufacturières et de services, d’institutions d’enseignement et de recherche ainsi que des bureaux décentralisés de l’administration publique qui créent de l’emploi et de la richesse en région.
L’occupation et la vitalité du Bas-Saint-Laurent reposent donc aujourd’hui sur la présence et le développement de cette multifonctionnalité qui ne sont pas sans profiter de la révolution numérique dont un des effets est l’affranchissement de nombre d’entreprises et d’emplois de l’obligation de s’établir dans un grand centre.
Un écart de richesse subsiste toutefois entre les régions intermédiaires et périphériques, comme le Bas-Saint-Laurent, et les régions centrales de la vallée du Saint-Laurent en amont de Montmagny. Cet écart est révélé par les revenus annuels moyens des ménages, les taux de chômage et d’assistance sociale.
Croissance de la population
Après plusieurs décennies de déclin économique et démographique, la région donne des signes de reprise. En 2017, on recensait 199 534 habitant·es dans le Bas-Saint-Laurent. Selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), la population estimée de la région au 1er juillet 2022 était d’environ 200 500 habitants. Le taux de croissance est en constante augmentation depuis 2017-2019. Cette croissance démographique s’explique principalement par la migration entre les différentes régions du Québec dont profite le Bas-Saint-Laurent.
Il s’agit d’une tendance récente fort encourageante pour la région. En 2017-2018, le solde migratoire interrégional enregistrait une perte de 132 habitant·es suivant plusieurs années de résultats négatifs, ce qui, selon les projections de l’Institut de la statistique du Québec, devait se poursuivre. Or, en 2018-2019, on remarque un renversement de tendance.
Ceci dit, le Bas-Saint-Laurent compte toujours la population la plus âgée du Québec : 28,4 % de la population a 65 ans et plus. Toutefois, l’afflux de jeunes (célibataires, en couple ou en famille) permet d’entrevoir une atténuation de cet effet de vieillissement dans les années à venir.
Les départs constatés depuis mars 2020 dans les régions de Montréal et Laval ne s’expliquent pas seulement par le contexte pandémique. Ils sont l’expression d’un mouvement plus vaste, plus profond, qui amène une partie des citadin·es à fuir les grandes villes, faute de pouvoir y trouver des conditions de vie en accord avec leurs attentes et leurs moyens. La pandémie et les mesures de confinement ont exacerbé une tendance déjà présente depuis près d’une vingtaine d’années et qui va en s’accroissant.
Ces mouvements migratoires témoignent du regain d’intérêt pour les régions, leurs villes et leurs villages. Profitant de ce nouvel engouement pour les régions, le Bas-Saint-Laurent a connu une croissance soutenue de son solde migratoire au cours des vingt dernières années, passant d’un déficit de 1 095 en 2001-2002 à un gain de 1 293 en 2021-2022. Ce dernier gain est inférieur à celui de 2020-2021, mais il demeure supérieur à ceux des années précédentes.
Selon le rapport Regard statistique sur la jeunesse de 2019, les jeunes seraient moins enclins à quitter leur région d’origine qu’auparavant, et celles et ceux qui partent auraient plus tendance à y revenir. Deux principaux constats se dégagent de ce rapport, soit que les jeunes de 15 à 29 ans migrent de plus en plus vers les régions éloignées et que c’est dans la tranche d’âge des 25-29 ans que le flux migratoire est le plus important. Les raisons qui expliquent ces mouvements populationnels sont l’amélioration de la qualité de vie pour fonder une famille, obtenir un emploi ou démarrer une entreprise.
Le dynamisme nouveau qui traverse l’ensemble de la région du Bas-Saint-Laurent se manifeste non seulement sur les plans économique et démographique, mais aussi dans les sphères de la culture, du plein air, de la démocratie municipale, de l’engagement social et de la sensibilité envers les questions environnementales. En témoigne la prolifération des événements artistiques et des mouvements citoyens et participatifs. On constate aussi une volonté de prise en charge accrue du développement régional et local par les élu·es et les acteurs socioéconomiques. La création de la FabRégion est une illustration d’une démarche de mobilisation territoriale pour une plus grande autonomie durable et viable.
Des défis surgissent toutefois pour satisfaire les besoins en logement, places en garderie, soins de santé, transports collectifs intra et interrégionaux, fiscalité locale, aménagement et urbanisme, etc. Sur ce dernier point, les municipalités locales et les MRC devront disposer des moyens et des ressources appropriées pour gérer adéquatement le développement de leurs territoires sous la pression des nouvelles populations.
À coup sûr, le Bas-Saint-Laurent est une région du Québec où il fait bon vivre ! La revitalisation se substitue à la dévitalisation.