Apprendre à transgresser

No 088 - été 2021

bell hooks

Apprendre à transgresser

Isabelle Bouchard

bell hooks, Apprendre à transgresser : L’éducation comme pratique de la liberté, M Éditeur, 2019, 192 pages. Traduit de l’anglais par Margaux Portron.

Ce livre, dit-on, diffère des autres bouquins signés par l’autrice Gloria Jean Watkins, qui écrit sous le nom de bell hooks. En effet, celui-ci porte sur hooks l’enseignante, la pédagogue, la praticienne réflexive ! En ce sens, nous n’avons pas directement accès aux théories politiques et féministes pour lesquelles l’autrice est généralement reconnue. Mais nous avons la chance d’accéder aux réflexions de l’universitaire, et plus précisément à son enseignement proprement dit, à son propre parcours scolaire, à ses influences pédagogiques, à ses questionnements épistémologiques, à ses relations avec ses collègues et ses personnes étudiantes.

Le riche ouvrage donne accès aux questionnements intimes d’une enseignante universitaire qui tente à la fois de définir, d’améliorer, de questionner et de construire le sens fondamental de sa vision de l’université comme institution transformatrice.

Enfant surdouée, l’autrice a réalisé la presque totalité de son éducation primaire dans une école publique soumise à la ségrégation. Reconnue rapidement par ses enseignantes issues de la même communauté qu’elle, hooks raconte à quel point celles-ci lui ont montré, dans l’action, la nécessité de l’émancipation par la scolarisation. En revanche, écrit-elle, « l’école changea catégoriquement avec l’intégration raciale. Le zèle messianique de transformer nos esprits et nos êtres, qui avait caractérisé nos enseignant·e·s et leurs pratiques pédagogiques dans nos écoles noires, avait disparu. Désormais, la connaissance n’était plus que de l’information. Elle n’avait aucun lien avec notre façon de vivre, de nous comporter. Elle n’était plus connectée à la lutte antiraciste. »

Comment, alors, retrouver la liberté, la «  volonté zélée d’apprendre » ? Comment construire une pédagogie de l’émancipation engagée et radicale ? Quel espace y accorder à l’expérience vécue ? Comment enseigner à des personnes étudiantes qui résistent ? Pourquoi et comment favoriser la prise de parole dans les classes ? Quel rapport entre la théorie et la pratique dans les cours ? Est-ce que la théorie peut être libératrice ? Quelle place pour le corps dans une perspective pédagogique vue comme un espace de liberté, voire de libération ? Comment déconstruire les relations coloniales, de classes et de genres ? Voilà quelques questionnements existentiels qui dépassent les limites du contexte de l’enseignement universitaire mais qui le fondent à la fois (ou en tout cas qui le devraient).

Initialement publié en 1994, c’est sous la traduction de Margaux Portron que parait à la fois chez M (au Québec) et chez Syllepse (en France) ce que l’on peut qualifier de journal réflexif d’une pratique enseignante transgressive, antiraciste et féministe.

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