Emmanuelle Dufour
« C’est le Québec qui est né dans mon pays ! »
Emmanuelle Dufour, « C’est le Québec qui est né dans mon pays ! », Écosociété, 2021, 208 pages.
Ce troisième livre de la collection « Ricochets » d’Écosociété, qui se trouve en périphérie du genre BD, ne manque pas d’audace. Privilégier des voix autochtones permet de rendre cohérente et compréhensible la question de décolonisation qui émerge de plus en plus. L’autrice, qui se base sur des rencontres de terrain qui l’ont fait évoluer, se réclame de l’anthropologie et de l’éducation par les arts, et plus précisément de la « sécurisation culturelle » – domaines dans lesquels elle est dûment diplômée. Sa démarche graphique pourrait être qualifiée de « tout-terrain », dans la mesure où, s’appropriant par moments des documents photographiques qu’elle dessine dans un style plus classique, elle utilisera aussi, ici et là, une série de taches d’encre remaniées et inspirées du test Rorschach pour accentuer le pouvoir évocateur d’images semi-improvisées.
La démarche de Dufour repose sur une prise de conscience personnelle provoquée par une rencontre avec des Maoris de la Nouvelle-Zélande au cours de laquelle elle a compris l’ampleur de son ignorance des Premiers Peuples du territoire où elle a grandi. Dufour part d’un désir d’en découdre avec sa honte colonialiste et nous invite par le fait même à aller à la rencontre de l’autre et à renouer avec une histoire galvaudée – celle des gagnants – pour s’engager à changer. Par-delà le très grand malaise, l’ouvrage favorise la reconnaissance des figures autochtones inspirantes et de cultures essentielles et permet d’envisager des pistes pour aller vers ceux et celles si longtemps invisibilisé·e·s et éliminé·e·s.