Soeurs volées

No 061 - oct. / nov. 2015

Emmanuelle Walter

Soeurs volées

Diane Lamoureux

Sœurs volées, Emmanuelle Walter, Montréal, Lux Éditeur, 2015, 224 p.

Depuis 1980, près de 1 200 femmes autochto­nes ont disparu ou ont été assassinées au Canada, dans une indifférence quasi générale. La journaliste indépendante Emmanuelle Walter nous dresse un portrait de deux d’entre elles, Maisy Odjik et Shannon Alexander, disparues depuis 2008, qui vivaient dans la réserve de Kitigan Zibi, près de Maniwaki.

L’intérêt premier de cet ouvrage est d’aller au-delà des statistiques et de nous faire prendre conscience, à travers ces deux histoires singulières, des multiples réalités que recouvre la formule « femmes autochtones assassinées ou disparues ». Car les histoires de Maisy et de Shannon, ce sont bien sûr des histoires de racisme, d’acculturation, de pauvreté et de violence, bref de ce qui nous vient à l’esprit lorsqu’il est question d’Autochtones au Canada. Mais ce sont aussi des histoires d’amour, de mal-être, de résilience, d’espoir.

Dans sa préface, Widia Larivière parle des impacts actuels du colonialisme canadien et de féminicide, de racisme, d’indifférence médiatique et d’apathie politique, sans sombrer dans la victimisation. Elle vise plutôt à « revaloriser le pouvoir des femmes autochtones dans une perspective de décolonisation ».

Pour sa part, Emmanuelle Walter ne se situe pas dans le « people » ou le misérabilisme. Certes, elle nous fait prendre conscience que le tiers-monde n’est pas qu’ailleurs, mais qu’il existe aussi quelque part près de chez nous. Elle montre aussi l’ineptie politique et policière dès qu’il s’agit de la disparition de femmes autochtones. Elle nous fait sentir également la difficulté des conditions de vie et les choix cornéliens auxquels ont été confrontées Maisy et Shannon dans leur courte existence. Mais elle nous montre aussi qu’elles étaient des personnes, avec toutes les complexités et les contradictions que cela implique, qu’elles étaient aimées même si leur vie quotidienne n’était pas toujours facile. Elle nous montre surtout que derrière ces « statistiques », il y a un problème social, n’en déplaise à ce gouvernement pour lequel la société n’existe pas et qui ne voit que l’emprisonnement comme solution aux problèmes sociaux. Cet ouvrage est une pierre dans l’œuvre collective de refus du déni et de l’indifférence.

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