Chaînes humaines pour l’école publique
Une leçon à retenir !
Dossier : Contre l’austérité, luttes syndicales et populaires
Initié par des parents inquiets du sort que réserve le gouvernement libéral aux écoles publiques du Québec, le mouvement « Je protège mon école publique » a démarré très doucement. Sa motivation est claire : « Si nous, parents et professionnels du milieu de l’éducation, ne défendons pas le financement adéquat de l’éducation publique, qui le fera ? »
Le premier encerclement d’une école s’est déroulé le 1er mai 2015 et s’inscrivait dans la semaine nationale de perturbations sociales et économiques contre les mesures d’austérité imposées par les libéraux. Dès la fin de l’activité, les organisateurs et organisatrices nous en ont promis d’autres.
Lors du plus important événement, le 2 septembre dernier, ce sont pas moins de 270 écoles primaires et secondaires qui ont été littéralement entourées de chaînes humaines, et ce, dès les premières heures du matin. Ces démonstrations d’attachement à l’école publique ont eu lieu dans au moins 16 régions. Selon le décompte des organisateurs·trices, l’activité aurait suscité la participation de 20 000 personnes – des parents, grands-parents, professeur·e·s, employé·e·s de soutien, personnels professionnels, citoyen·e·s et élèves – qui ont entouré leur établissement scolaire respectif en se tenant par la main dans le but de le protéger.
De quoi veut-on préserver l’école ? Le mouvement « Je protège mon école publique » n’a pas de revendications précises si ce n’est de mettre fin à l’ensemble des attaques que subit l’école publique au nom du rouleau compresseur néolibéral. Ils étaient nombreux et nombreuses à décrier le désinvestissement gouvernemental et ses effets.
Ainsi, certain·e·s participant·e·s ont soulevé la grande difficulté de l’école publique à répondre aux besoins des élèves aux prises avec des difficultés d’apprentissage et/ou en situation de handicap ; il s’agit d’un véritable drame lorsque des enfants sont privés de services professionnels qui ont fait leurs preuves. Les manifestant·e·s ont aussi appuyé une importante revendication des enseignant·e·s, qui demandent de conserver le même nombre d’élèves par classe, alors que le gouvernement libéral, selon son dépôt patronal, voudrait l’augmenter. Ils ont décrié la diminution des services dans les écoles et la volonté à peine cachée du gouvernement de procéder à leur privatisation. Enfin, la matinée a été l’occasion de faire connaître la hausse de certains tarifs de transport, dont les coûts seront bien évidemment refilés aux parents.
Qui fait la leçon à qui ?
Au lieu d’essayer de comprendre ce mouvement de solidarité et de s’enorgueillir de vivre dans une société qui démontre son attachement à l’école, le ministre de l’Éducation François Blais a répondu de façon pour le moins laconique. Il a rejeté en bloc les inquiétudes provoquées par les coupes budgétaires. Dans les médias, il n’a pas cessé de mettre la faute sur les commissions scolaires. Ce sont elles qui ne sauraient pas investir dans les écoles. Sachant quel sort le ministre souhaite leur réserver, personne n’a été surpris de cette réponse…
Le ministre en a cependant étonné plus d’un par la teneur méprisante, sans nuance et mensongère de ses propos sur la prétendue « utilisation des enfants » par les parents et sur le mouvement syndical. Pour lui et certains tenants de la droite, il est honteux et irresponsable d’exposer des enfants à un discours politique, surtout s’il prône une conception humaniste de l’éducation.
Cette déclaration intempestive mérite que les parents et les enseignant·e·s lui fassent la leçon. D’abord, nous n’acceptons pas que nos enfants et nos élèves soient considérés comme de petites bêtes incapables de comprendre le monde dans lequel ils et elles vivent. Si c’est le cas, si l’éducabilité est impossible, alors ce serait la mission de l’école qu’il faudrait repenser. Faut-il rappeler que nos enfants et nos élèves sont aussi des roseaux pensants comme l’écrivait Pascal, des êtres capables de comprendre les enjeux qui les concernent si nous nous donnons la peine de les leur expliquer ? C’est d’ailleurs à leur vocation pédagogique que se vouent jour après jour les enseignantes et enseignants du Québec. Chaque seconde, l’école tente de transformer les élèves et cet état de fait n’est rien d’autre que le simple processus d’apprentissage. L’école n’est pas neutre, elle transmet des valeurs, notamment celle reconnaissant sa propre valeur comme institution. Cette transmission ne peut pas être confondue avec de la propagande politique. L’école doit être le symbole de l’ouverture d’esprit et de l’éradication du dogmatisme. Elle doit entendre les différents points de vue et non pas les gommer.
Le mouvement « Je protège mon école publique » a montré à quel point l’école est une institution fondamentale, ce qui semble encore trop peu pour la classe politique québécoise qui, force est de l’admettre, a encore manqué sa rentrée scolaire.