Négociations en santé et services sociaux
Ras-le-bol complet
Dossier : Contre l’austérité, luttes syndicales et populaires
Plus de 150 000 salarié·e·s du secteur de la santé et des services sociaux (CSN, APTS, FTQ, CSQ) sont en voie d’obtenir des mandats de grève, très forts, à exercer cet automne. Cela ne devrait pas nous étonner, malgré le contexte difficile et l’ombre permanente d’une loi spéciale. Les salarié·e·s du réseau sont à bout de souffle et leurs problèmes ne sont pas pris au sérieux par un gouvernement dont le seul objectif semble être de couper partout, coûte que coûte.
Ainsi, le grand dessein austéritaire du gouvernement Couillard se transpose aux tables de négociations sectorielles. Donc en plus de subir les effets de compressions budgétaires marquées ainsi que d’une énième réforme des structures, devenues éléphantesques ; en plus des reculs que le gouvernement veut imposer à leur salaire et à leur retraite, leurs conditions de travail sont elles aussi dans la mire. Les propositions patronales visent à élargir encore davantage le pouvoir des gestionnaires locaux à imposer des horaires de travail atypiques, à déplacer la main-d’œuvre comme des pions d’un bout à l’autre des nouveaux établissements mammouth, à couper dans les protections de l’assurance-salaire dont les coûts vont croissants, il est vrai, à cause de la détérioration des conditions de travail et des lacunes en prévention.
Le réseau de la santé et des services sociaux souffre, depuis de nombreuses années. Les dernières compressions budgétaires, majeures, ne sont toutefois que la goutte qui fait déborder le vase. Ces dernières années, les salarié·e·s ont vu leur surcharge de travail exploser. Les arrêts de travail pour cause de maladie sont de plus en plus nombreux, de plus en plus longs. Le secteur privé multiplie les assauts contre le public. La sous-traitance et l’impartition de services s’étendent dorénavant à toutes les activités. Les difficultés d’accès aux services pour la population alimentent la croissance de l’offre privée. Les entreprises de placement de main-d’œuvre dans le réseau sont maintenant présentes dans toutes les catégories d’emploi. Des ouvrières et ouvriers spécialisés aux psychologues, ils sont de plus en plus nombreux à déserter les établissements pour améliorer leurs salaires dans le secteur privé. Les établissements se voient contraints de donner des contrats extérieurs, à grands frais.
Les gestionnaires, pourtant de plus en plus nombreux – leur nombre a augmenté de 30 % en 10 ans alors que celui du personnel sur le terrain a crû de 15 % sur la même période – s’en remettent de plus en plus à des firmes externes pour les « soutenir ». Des consultants en organisation du travail comme Proaction débarquent dans les établissements avec des grilles de pointage pensées pour contrôler le travail sur les chaînes de montage : les salarié·e·s ne s’y retrouvent pas. Le privé s’installe de plus en plus confortablement dans les laboratoires, les cuisines, les buanderies, les services d’approvisionnement… même dans les soins, on l’a vu par exemple avec le contrat unissant l’Hôpital Sacré-Cœur à la clinique Rockland Md, auquel le ministre Gaétan Barrette vient judicieusement de mettre fin. Que dire des super hôpitaux en PPP qui, selon l’IRIS, nous auront coûté jusqu’à 4 milliards en trop dans 25 ans ? Pas mal pour être locataires d’hôpitaux neufs dont les murs sont déjà remplis de moisissure et dont les égouts refoulent ! La marchandisation est à l’œuvre… Cela nous coûte cher collectivement. Et pour les salarié·e·s, la pression ne fait que s’accentuer.
Des leviers pour changer les choses
Pour changer les choses, les syndicats du réseau ont déposé des demandes précises permettant une amélioration de la qualité de vie au travail et de contrer la privatisation. Elles visent par exemple à assurer des horaires plus stables au personnel, à leur redonner davantage d’autonomie professionnelle, à leur permettre de proposer une alternative à tout projet de recours au secteur privé… Si les demandes patronales sectorielles visent à récupérer des sommes de diverses manières même quand cela aurait pour effet d’attaquer les droits des salarié·e·s, la plupart des demandes syndicales n’exigent quant à elles pas d’argent frais et pourraient même permettre certaines économies au réseau, en cohérence avec la priorité de l’ensemble du Front commun : rehausser la rémunération dans le secteur public. Par contre, ces revendications auraient pour effet de bousculer des habitudes de gestion, de donner plus de pouvoir aux salarié·e·s et c’est peut-être pour cela que les négociations s’étirent…
Or, la mobilisation croît sans cesse.Lorsque le processus de négociation a pris son envol, il y a deux ans, un des premiers défis des syndicats était de faire croître celle-ci afin d’être en mesure d’avoir recours à la grève si cela s’avérait nécessaire, dans les mois suivant l’échéance de la convention collective (31 mars 2015). Les événements sociopolitiques qui ont suivi auront, quoique paradoxalement, beaucoup aidé la mobilisation syndicale. Cela a été particulièrement senti en santé et services sociaux. Les attaques menées par les libéraux de Philippe Couillard et le ministre de la Santé et des services sociaux Gaétan Barrette ont soulevé l’indignation. Les syndicats locaux ont été très actifs dans la lutte contre l’austérité, certains se dotant même de mandats de grève générale avant de recevoir une recommandation du Front commun. Jusqu’où cette mobilisation peut-elle aller si le gouvernement maintient la ligne dure ? C’est à suivre…