No 048 - février / mars 2013

Premières Nations

Idle No More

Un mouvement de base

Gérald McKenzie

Le mouvement Idle No More est né à l’automne 2012, initié en Saskatchewan par deux femmes autochtones et deux citoyennes canadiennes. Sans politicienNEs élues, sans chef national ni salariéEs, Idle No More coordonne des actions stratégiques en mobilisant des leaders autochtones de la base et des Canadiennes de toutes origines contre le projet de loi C-45, dont ses impacts sur les droits à l’eau et au territoire prévus par la Loi sur les Indiens. Le mouvement s’en prend aux politiques visant à couper les fonds aux voix militantes autochtones. Idle No More a adopté la stratégie d’une lente escalade : lettres à Harper, manifestations et blocages systématiques des moyens de transport. Idle No More et la détermination de madame Spence ont été des facteurs majeurs pour que l’Assemblée des Premières Nations (APN), l’Association des Femmes autochtones du Canada, le Nouveau Parti démocratique et le Parti libéral du Canada fassent une déclaration d’appui à leurs revendications, permettant ainsi à la chef Spence de terminer honorablement sa grève de la faim.

Ce n’est pas la première fois que les Autochtones se lèvent en masse contre le gouvernement canadien. Les manœuvres législatives insidieuses de Harper ressemblent à la tentative du gouvernement Chrétien-Trudeau en 1969 (Livre blanc) ayant pour but de « normaliser » les Autochtones. Trudeau avait dû reculer face à la levée de boucliers et négocier avec les nations autochtones. Rappelons que le gouvernement de Harper s’est opposé à la Déclaration des droits des peuples autochtones aux Nations unies, motivé entre autres par les éléments suivants : « les peuples autochtones ont le droit de fixer des priorités et d’élaborer des stratégies pour la mise en valeur et l’utilisation de leurs terres, territoires et autres ressources  » ; les États devront obtenir leur consentement « avant l’approbation de tout projet ayant une incidence sur leurs terres ou territoires  » et ils «  fourniront des mécanismes efficaces pour une réparation juste et équitable à cet égard ».

Une volonté indéniable de sortir de la dépendance

L’Association des Femmes autochtones du Canada, dont Michèle Taïna Audette est la présidente, a formellement appuyé le mouvement Idle No More. Mme Audette a joué un rôle déterminant dans l’engagement pris par les chefs des Premières Nations et des partis d’opposition en faveur des droits des Autochtones, permettant à la chef Spence d’arrêter sa grève de la faim. Cette militante des droits des femmes autochtones a déjà un long parcours derrière elle. On a pu apprécier sa détermination et ses qualités de communicatrice dans plusieurs entrevues et débats lors des évènements récents. Elle arrive à contrer les préjugés et la méconnaissance de la situation des Autochtones qu’on peut lire à pleines pages dans les journaux et les médias électroniques.

Pourquoi une grève de la faim ? Pourquoi le mouvement Idle No More ? Pourquoi les femmes autochtones sont-elles à l’avant-scène de la lutte présentement ? Aux questions d’À bâbord !, sa réponse est courte et directe :

« Pourquoi devons-nous faire la grève de la faim pour être écoutées ? Pourquoi avons-nous tant de gens dans les rues avec Idle No More ? Pourquoi ?... Il n’y a pas UNE bonne réponse mais une VOLONTÉ indéniable de vouloir sortir de cette dépendance imposée par le gouvernement fédéral. Cette fois-ci, les vraies guerrières ce sont les femmes autochtones. Elles soulèvent un pays au complet pour que le changement social se fasse une fois pour toutes ! Finie l’extrême pauvreté, finie l’extrême violence. Je rêve du jour où je dirai : Je suis libre et souveraine dans mon propre pays ! »

L’Association des Femmes autochtones du Canada regroupe l’ensemble des associations régionales. Si le militantisme de l’AFAC n’est pas le même que celui d’Idle No More, ses structures permettent de faire le pont entre les militantes de la base et les grandes organisations, comme l’Assemblée des Premières Nations, et de porter les revendications au sein de l’appareil gouvernemental canadien. L’AFAC et les autres associations régionales des Femmes autochtones ont leur siège dans les grandes assemblées nationales. On a pu voir, au moment de la crise de décembre et janvier, des femmes critiquer le discours conciliateur de ces organisations. Tout récemment, entre autres, des grévistes de la faim en appui à la chef Spence ont exigé l’autonomie des peuples autochtones, trouvant trop réformistes les revendications des chefs et de l’AFAC. Comme on peut le voir, les débats politiques qui ont cours au sein des peuples autochtones nous sont familiers.

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