Miguel Chueca (coordonnateur)
Agone no 47, « Les théories du complot »
Agone no 47, « Les théories du complot », coordination Miguel Chueca, janvier 2012.
Est-il possible de distinguer les vraies des fausses conspirations ? Existe-t-il des critères valables pour y arriver ? Quelles sont les conséquences politiques de ces croyances ?
C’est autour de ces questions que se développe le numéro 47 de la revue Agone. Chacun des articles s’intéresse au sens d’événements historiques particuliers ayant engendrés une ou plusieurs théories de la conspiration : les attentats du 11 septembre 2001, ceux du 11 mars 2004 à Madrid, l’assassinat de John F. Kennedy ou encore l’incendie du Reichstag. L’article de Pierre Guerlin, pour sa part, traite du phénomène du Tea Party et est sous-titré : « Les théories du complot comme stratégie de lutte de classe par le haut ». Guerlin s’intéresse à ce mouvement de protestation financé par des milliardaires et explique l’instrumentalisation par les forces conservatrices et libertariennes des théories de la conspiration pour justifier leur lutte, nauséabonde, contre les politiques sociales de Barack Obama.
Dans l’ensemble, ce numéro cherche à la fois à réhabiliter une certaine pensée suspicieuse légitime, tout en évitant de sombrer dans les fantaisies démagogiques de certaines croyances contemporaines. Le numéro n’est pas dogmatique puisque les positions idéologiques des auteurs sont variées, et parfois opposées, à propos de la légitimité pour les forces progressistes de s’intéresser aux pseudo et aux véritables conspirations de l’histoire.
Outiller intellectuellement le lecteur pour lui permettre de départager de manière probante les multiples conspirations réellement existantes, que des journalistes compétents mettent à jour quotidiennement, des théories paranoïaques bancales incapables d’échafauder une explication cohérente de ce qu’ils prétendent révéler semble l’objectif général du numéro.
L’article d’Alexander Cockburn ainsi que l’article de Michael Albert et Stephen Shalom développent plusieurs arguments pour réfuter la théorie conspirationniste du 11 septembre ; c’est-à-dire, celle décrivant comme une « inside job » du gouvernement américain l’effondrement des deux tours géantes. Pour eux, cette tragédie s’explique plutôt par l’incompétence et non par la toute-puissance d’obscurs agents comploteurs. Selon ces auteurs, parmi les raisons pouvant expliquer l’intérêt des personnes sensibles qui refusent l’injustice pour les théories farfelues de la conspiration, c’est que celles-ci ont « des implications très confortables, au fond, elles impliquent que tout allait bien avant et que tout ira bien à nouveau si seulement on pouvait se débarrasser des conspirateurs ». Il s’agit là, selon ces auteurs reconnus de la gauche engagée, d’une vision naïve et dangereuse qui peut conduire « à des allégeances et à des positions politiques nuisibles ».
À l’opposé, Michel Parenti s’attaque à la phobie des conspirations de certains théoriciens, comme Noam Chomsky et Alexander Cockburn, qui ne croient pas encore à la version « inside job » impliquant la CIA et la mafia cubaine dans l’assassinat de John F. Kennedy. Pourtant, d’après cet article, le film d’Oliver Stone est plus près de la vérité historique que ce qu’en pense Chomsky.
En interrogeant les causes et les implications sociales du relatif succès de certaines des thèses développées par les « conspirationnistes » contemporains, ce numéro pourrait ouvrir un débat éclairé, dans la gauche, à propos des théories de la conspiration et de leurs conséquences sociales.