Forum social mondial - Palestine libre !

No 048 - février / mars 2013

International

Forum social mondial - Palestine libre !

Pour notre commune dignité

Lorraine Guay, Amélie Nguyen

Le Brésil a eu le courage d’accueillir du 28 novembre au 1er décembre derniers le Forum social mondial – Palestine libre ! Trois mille personnes y ont participé dont une centaine de Palestiniennes de Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est et plusieurs centaines de réfu­giéEs ou de descendantEs palestinienNEs. Trente-sept pays y étaient représentés.

Ce FSM, tenu après les récents événements dramatiques de Gaza et le vote à l’ONU en faveur d’un statut d’État observateur non membre pour la Palestine, était en soi un message fort et sans ambiguïté qui brisait la complaisance de quelques États influents, qui se targuent de représenter l’opinion de la « communauté internationale » envers l’État d’Israël. Avec seulement neuf États [1] ayant refusé d’appuyer la Palestine, on voit bien que le Canada et les alliés inconditionnels d’Israël sont désormais bien isolés.

L’événement a été l’occasion de déconstruire un des mythes sur les quels Israël s’appuie pour tenter de faire disparaître le peuple palestinien. « Les vieux mourront et les jeunes oublieront » avaient fanfaronné les dirigeants israéliens après la Nakba. Mais les morts continuent de crier l’injustice et les jeunes n’ont pas oublié : ils et elles étaient présentes en force au Forum social, pleins de détermination. Et ils souffrent tous et toutes de cette « maladie incurable : l’espoir », dixit le célèbre poète palestinien Mahmoud Darwish !

Ce forum fait partie d’une stratégie politique internationale d’isolement de l’État d’Israël lancée par la société civile palestinienne et de plus en plus soutenue à travers le monde pour le forcer à respecter le droit international. Il est prévu qu’un second forum thématique sur la Palestine ait lieu dans deux ans ; cette proposition sera discutée lors du FSM de Tunis au printemps prochain.

Une fausse neutralité

Le FSM sur la Palestine est venu réaffirmer l’importance, en particulier pour les Occidentaux que nous sommes, de ne pas rester indifférents face au conflit israélo-palestinien. Ne pas prendre position, c’est prendre position pour Israël et pour le maintien de la plus longue guerre coloniale des XXe et XXIe siècles.

En matière de droits de la personne, tolérer l’apartheid, la colonisation et l’occupation qu’impose Israël à la population palestinienne veut aussi dire tolérer la logique guerrière, raciste et répressive en général. Face au blocage diplomatique au plan international, le FSM relançait le mouvement de solidarité populaire internationale pour contribuer à la libération de la Palestine en vertu d’une commune dignité des peuples.

Les dispositions du droit international condamnant les agissements de l’État d’Israël existent en grand nombre et depuis longtemps. Les violations constatées et prouvées du droit international public et du droit international humanitaire au cours des années ne viennent pourtant pas à bout de l’aura « progressiste » d’Israël contre le « terrorisme » palestinien ; signe que les batailles juridiques se gagnent dans la rue, comme plusieurs intervenantes l’ont souligné à Porto Alegre. Le rapport de force entre les deux parties est si inégal qu’une telle catégorisation simpliste et fausse ne peut que renforcer les inégalités existantes et la répression contre les Palestiniens et Palestiniennes. Sans implication citoyenne, sans information alter­native, sans pressions sociales pour son application juste et équitable, le droit international se fait un outil du néocolonialisme, car son interprétation et son application sont laissées aux mains des plus puissants, exacerbant les rapports de force historiques.

Les agissements d’Israël influencent de plus la manière de faire la politique ailleurs dans le monde. Ainsi, les contradictions entre volonté poli­tique et intérêts commerciaux sont nombreuses, comme le montre le cas du Brésil : tout en ayant appuyé ce forum, le gouvernement brésilien a conclu en 2010 un accord de collaboration militaire et sécuritaire avec Israël et a signé plusieurs contrats avec des compagnies militaires israéliennes. Rappelons qu’Israël est un fournisseur important d’armes à travers le monde. Les technologies militaires israéliennes sont d’abord testées sur les Palestiniennes pour ensuite être expor­tées. C’est notamment une compagnie israélienne qui fournit le système de surveillance d’un autre mur de la honte, entre le Mexique et les États-Unis ; système d’abord utilisé en Cisjordanie. Ce sont ainsi les profits qu’elles engrangent qui permettent ensuite aux compagnies israéliennes d’armement et d’équipements militaires de perfectionner leurs technologies. D’où l’importance de mettre des bâtons dans les roues de celles-ci, pour défendre notre commune dignité et pour isoler l’État d’Israël, mais aussi pour contenir la propagation d’une logique répressive, raciste et autoritaire.

Le Canada, « le plus meilleur » ami d’Israël

La réputation du Canada en matière de politique envers Israël et la Palestine a longtemps bénéficié d’un halo d’impartialité et de neutralité. Cette image aurait volé en éclats avec l’arrivée de Harper au pouvoir en 2006 et la mise en place de sa politique d’appui inconditionnel à Israël.

La délégation québécoise au FSM de Porto Alegre s’est efforcée de déconstruire ce mythe en distribuant et en expliquant un texte sur l’historique des positions du Canada basé sur l’analyse d’Yves Engler pour qui « […] les racines du soutien canadien à Israël remontent au sionisme chrétien et à la Confédération [2] ». Ce courant idéologique religieux très présent aux États-Unis faisait déjà à l’époque, et bien avant la Shoah, la promotion d’un État israélien sur tout le territoire de la Palestine historique en y excluant systématiquement tous les Palestiniennes.

Depuis, à quelques nuances près, « […] le soutien politique à Israël a fait partie intégrante du programme des libéraux et des conservateurs lesquels ont soutenu [du bout des lèvres, devrions-nous ajouter] les droits individuels et humanitaires des Palestiniens, mais jamais les droits collectifs ni le droit à l’autodétermination [3] ». Le NPD n’est pas en reste : la timidité de ses positions frise la complaisance envers les politiques de ses « adversaires ».

Depuis son accession au pouvoir, le gouvernement Harper a renoué avec les courants de droite les plus inconditionnellement pro-israéliens, islamophobes et anti-palestiniens du monde occidental. Sa complaisance envers l’occupation, la colonisation, le mur de séparation, le blocus de Gaza ; ses oppositions systématiques à toute résolution condamnant les violations systématiques du droit international par Israël ; son refus obtus de reconnaître à la Palestine le statut d’État observateur non membre à l’ONU ; ses relations soutenues avec Israël à travers l’Accord de libre-échange Canada-Israël ; la collaboration étroite entre le Service canadien du renseignement de la sécurité et celui du Mossad (l’agence du renseignement israélien) ; la coopération militaire du Canada avec les forces armées israéliennes, comme l’utilisation du Centre d’excellence sur les drones à l’aéroport d’Alma par le drone Dominator de la compagnie israélienne Aeronautics, etc. ; toutes ces positions font désormais du Canada un des pays occidentaux qui met à mal la démocratie et le droit international et qui constitue un obstacle à un règlement de ce conflit basé sur la justice et le droit.

Force est de constater que l’appui inconditionnel du Canada envers Israël a eu des conséquences néfastes sur la liberté d’expression ici et que malgré la limpidité des violations du droit international perpétrées par l’État d’Israël, le climat de peur s’intensifie autour de cette question. Des organisations de la société civile critiques de l’appui inconditionnel du Canada à Israël ou qui ont appuyé des organisations palestiniennes, comme Alternatives et Kairos, ont subi d’importantes réductions de financement. Droits et Démocratie a simplement été fermé après une difficile période d’ingérence du gouvernement fédéral dans la gestion interne de l’organisation. Historiquement, ce ne sera pas la première fois qu’à l’interne, la désinformation et une « chasse aux sorcières » accompagnent une politique étrangère agressive, au détriment d’une réelle démocratie citoyenne.

Tout travail de solidarité au Québec et au Canada passe par une lutte incessante contre les posi­tions gouvernementales fédérales actuelles et implique de participer à la refondation d’une poli­tique étrangère canadienne « alternative », porteuse de propositions constructives tant pour les peuples israélien et palestinien que québécois et canadien.

Un appel commun de la part des PalestinienNEs : la campagne BDS

Le FSM a été l’occasion de partager un ensemble de gestes de solidarité envers le peuple palestinien : plus d’une centaine d’ateliers témoignaient de la vitalité du mouvement international de solidarité avec une diversité de stratégies et d’actions concrètes proposées, parmi lesquelles on compte une campagne contre le Fonds national juif, une flottille latino-américaine contre le blocus de Gaza, une marche des réfugiées pour le droit de retour, etc.

Les PalestinienNEs ont unanimement insisté sur la campagne de Boycott, désinvestissement et sanction (BDS) contre l’apartheid israélien. À Porto Alegre, ils et elles ont lancé un appel fort à généraliser, intensifier et accélérer cette campagne, de manière à isoler Israël sur la scène internationale – comme pour l’Afrique du Sud à l’époque – et forcer son gouvernement à respecter le droit international. La bannière des militantes et militants sud-africains était d’ailleurs claire, nette et précise : «  Apartheid : South Africa’s history, Palestine’s reality [4] ».

La campagne reçoit aussi l’appui d’un nombre grandissant de pays. Les délégations d’Afrique du Sud, de France, d’Écosse et d’Espagne ont déjà mis en place des campagnes BDS de grande ampleur. En France, ce sont plusieurs municipalités qui ont adopté une résolution en appui à la campagne BDS. En Amérique latine, particulièrement au Brésil, le blocage des achats d’armement aux compagnies militaires israéliennes prendra plus de place. De même le boycott « sportif » en Europe contre la tenue de la coupe européenne de football junior en Israël, en mars 2013, attire déjà l’attention.

Au Québec, plusieurs organisations québécoises sont déjà engagées dans la campagne BDS. Des efforts importants ont été consacrés pour sensibiliser des organisations québécoises à l’importance de la campagne BDS, avec pour résultat que plusieurs l’appuient maintenant officiellement, comme le fait le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes depuis plusieurs années [5]. Par ailleurs, beaucoup de travail reste encore à déployer pour faire de cette campagne au Québec un véritable mouvement unifié de mobilisation de la population.

Comme le disait une bannière d’un groupe de la Marche mondiale des femmes présent sur place : « Nous sommes toutes Palestiniennes », et comment mieux le montrer qu’en appuyant ensemble la campagne BDS, pour la fin de la colonisation, de l’occupation, de l’apartheid, de même que pour le respect du droit de retour et la libération des nombreux prisonniers politiques palestiniens ?


[1Israël, Canada, États-Unis, République tchèque, Îles Marshall, Micronésie, Nauru, Palau, Panama.

[2Tiré du résumé fait par Joy Moore, professeure au College Dawson, pour le FSM – Palestine libre !

[3Tiré du résumé fait par Joy Moore, professeure au College Dawson, pour le FSM – Palestine libre !

[4« Apartheid : histoire pour l’Afrique du Sud, réalité pour la Palestine. »

[5Parmi lesquelles la CSQ, la FNEEQ, le CCMM-CSN, la Ligue des droits et libertés, la FFQ, Artistes pour la Paix (qui n’appuient cependant pas le boycott culturel), Québec solidaire, la revue Relations, le Centre Justice et Foi ainsi que L’Entraide missionnaire.

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