Le premier budget Marceau
La continuité libérale
Économie
Le premier budget Marceau, déposé le 20 novembre dernier est tout aussi surprenant que platement prévisible. Après une campagne électorale où le Parti québécois a clairement tenté de séduire une part de l’électorat située plus à gauche en promettant d’abolir la taxe santé, de revoir le régime de redevances minières et d’augmenter les impôts des plus fortunéEs ; le budget, tant par son contenu que par l’exercice de relations publiques qui l’a entouré, s’avère en fait être un bel exemple de réalignement des orientations économiques du gouvernement.
Après les premières semaines du gouvernement Marois, le patronat québécois souffrait d’une nouvelle maladie, l’angoisse fiscale. Afin de rétablir un rapport de confiance entre le milieu des affaires et le nouveau gouvernement, le budget s’est efforcé de faire preuve de « responsabilité fiscale ». En clair, la priorité du ministre des Finances fut donc de montrer qu’il pouvait, comme les libéraux avant lui, prioriser les demandes émanant des chambres de commerce plutôt que de remplir ses engagements électoraux. Il s’agit donc d’un budget qui aurait très bien pu être rédigé par l’ancien ministre Bachand.
Plan budgétaire et enfermement
En étudiant les mesures contenues dans le budget, on constate une double forme de continuité avec le gouvernement précédent : placer l’élaboration du plan budgétaire sous le signe de l’austérité et participer à la reconfiguration néolibérale du rôle de l’État. Comme l’affirme le ministre dans son introduction, un bon gouvernement est un gouvernement qui parvient à réaliser l’équilibre budgétaire tout en participant à rendre l’économie plus performante. Ce type d’énoncé de principe, qui de fait est identique à ce que M. Bachand mettait de l’avant, se répercute sur trois niveaux de similitudes PQ-PLQ dans la gestion des finances publiques.
Les deux partis partagent le même objectif d’atteinte du déficit zéro. En 2013-2014, le ministre Marceau prévoit l’élimination du déficit public qui devrait s’élever cette année à 1,5 milliard $. Cet objectif doit, tout comme sous l’ancien gouvernement, être atteint par des coupes dans le financement des ministères et des organismes publics. On prévoit donc limiter la croissance des dépenses du gouvernement à 1,8 %, un niveau jamais atteint en dix ans et qui ne permet pas de combler l’évolution des coûts de système.
L’objectif (atteindre l’équilibre budgétaire) et le moyen (l’austérité) trouvent tous deux leur justification dans la « nécessaire » reprise en main de notre endettement public. En raison de la crainte que peut représenter une décote du gouvernement par les agences de notation, tous les efforts gouvernementaux sont orientés dans cette direction. Pour cela, le PQ tourne le dos à une autre de ses promesses, l’élimination du Fonds des générations. Comme l’indique le graphique 1, ce fonds retire pourtant annuellement du fonds consolidé du gouvernement des milliards de dollars qui pourraient être très utiles en ces temps déficitaires.
Le ministre Marceau, comme son prédécesseur, préfère financer le Fonds des générations à même les redevances (eau, mines, gaz) et la nouvelle taxe sur l’alcool plutôt que de simplement éliminer le déficit public. En fait, c’est un peu le monde à l’envers : la saine gestion publique, si je comprends bien, trouve préférable de creuser le déficit (donc la dette) que de couper le financement d’un fonds destiné à contrôler cette dette. En plus, le Fonds des générations étant un fonds spéculatif, le Québec joue sa santé budgétaire sur les marchés boursiers. Il y a vraiment là la poursuite d’une folie libérale absolument incompréhensible.
Plan Nord, marchandisation de l’éducation et autres balivernes
La continuité PQ-PLQ prend également d’autres visages. On la retrouve dans la poursuite de la logique purement extractive du Plan Nord. Dans le présent budget, rien sur les redevances, sinon une consultation de l’industrie sur cette question, rien non plus sur la deuxième et troisième transformation des ressources dans les régions concernées. Diversifier l’activité économique des régions éloignées pour les rendre moins dépendantes des cycles économiques ne semble donc pas, encore une fois, à l’ordre du jour.
Du côté de l’éducation, le ministre Marceau a annoncé une enveloppe de 125 millions $ afin de stimuler les ententes public-privé du côté de la recherche. Comme si le printemps 2012 n’avait jamais existé, on vise ainsi à accélérer la soumission des activités de recherche des universités aux besoins du patronat.
Dans ce budget, donc, on retrouve tous les ingrédients d’un bon budget libéral : austérité budgétaire, angoisse de la dette et soumission face au monde des affaires. À ce rythme, on va finir par regretter Jean Charest !