Gaza, un moment de vérité

No 099 - Printemps 2024

Éditorial du numéro 99

Gaza, un moment de vérité

Numéro en kiosque

Le Collectif de la revue À bâbord !

Après des mois de bombardements, la guerre vengeresse menée par Israël à Gaza s’est installée dans la durée. Les assauts dévastateurs de l’armée israélienne, les politiques génocidaires du gouvernement de Benjamin Netanyahu et l’appui des puissances occidentales représentent un moment de vérité pour le monde.

Dans ces instants critiques, les faux semblants de nos gouvernements et de plusieurs de nos médias perdent toute efficacité et sonnent creux. Le décalage entre les belles paroles humanitaires et l’indifférence réelle devant le massacre crève les yeux pour quiconque prête minimalement attention.

De fait, la position des gouvernements canadien et québécois couvrira nos sociétés de honte pour les années, voire les décennies à venir. Si Justin Trudeau a (timidement) appuyé un cessez-le-feu après des semaines de mobilisations citoyennes, il a engagé le Canada dans des opérations militaires en mer Rouge en appui à Israël et a balayé du revers de la main la décision de la Cour internationale de Justice. Celle-ci s’est rangée derrière le plaidoyer de l’Afrique du Sud à l’effet qu’il y a bien des risques de génocide à Gaza. Pendant ce temps, le Canada a décidé de suspendre son financement à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugié·es de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), un geste qualifié par plusieurs expert·es de punition collective. Rappelons que comme signataire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, le Canada a l’obligation de prendre des mesures pour prévenir de telles atrocités.

Du côté québécois, François Legault a simplement rejeté l’appel à un cessez-le-feu, tournant le dos à une longue tradition d’appui à la libération de la Palestine au sein de la société civile, y compris dans les milieux nationalistes.

Sur le plan médiatique, le quasi-silence de journalistes canadien·nes, québécois·es et de plusieurs sociétés occidentales est consternant. Le contraste avec les prises de position suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie est frappant et révélateur : en février 2022, trois jours seulement après le début de l’invasion russe, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec tenait «  à souligner son immense respect pour les journalistes ukrainiens qui font leur travail et contribuent ainsi à soutenir la démocratie contre l’invasion russe  ». À Gaza, les assassinats de plus d’une centaine de journalistes ne semblent susciter que des haussements d’épaules. On a là, d’une part, une forte démonstration de l’existence de racisme systémique au sein des médias d’information au Québec et ailleurs : clairement, les vies palestiniennes comptent moins que d’autres. D’autre part, la partialité des médias se targuant d’être « neutres » est plus claire que jamais : invisibiliser à la fois la violence coloniale, la complicité du Canada et les contestations citoyennes participe au maintien du statu quo d’un État colonial.

Malgré les obstacles rencontrés (comme la censure de prises de position en appui à la Palestine sur les médias sociaux, sur les campus, dans les arts et dans plusieurs milieux de travail, ou encore les accusations automatiques d’antisémitisme pour quiconque critique Israël), la mobilisation de la population s’est traduite notamment par des manifestations hebdomadaires dans toutes les grandes villes canadiennes, ainsi que par la mise sur pied de canaux d’entraides sur le Web et de chaînes d’appels aux élus. Cette mobilisation doit être saluée et soutenue avec plus de vigueur par les divers secteurs de la gauche d’ici.

En ce moment de vérité, il est vital de dénoncer sans relâche cette situation et d’entretenir nos solidarités. Il faut également pousser nos dirigeant·es à prendre action et à rendre des comptes dans la lutte contre le génocide palestinien. Par tous les canaux, à toutes les occasions, sur tous les réseaux, il nous faut crier haut et fort notre appui à la libération palestinienne.

Le numéro 99 peut être commandé en ligne via le site des Libraires.

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