Jeremy Scahill
Dirty Wars. Le nouvel art de la guerre
Dirty Wars. Le nouvel art de la guerre, Jeremy Scahill, Montréal, Lux, 2014.
Le journaliste d’enquête Jeremy Scahill met en lumière ce qui restera probablement une des pages les plus noires de la présidence d’Obama : les exécutions sommaires de présumés terroristes en dehors de toute procédure légale. La cible de cet ouvrage, ce sont les opérations du Joint Special Operations Command, un organisme qui dépend directement de la présidence états-unienne. Certes Obama n’en est pas le créateur, mais il ne l’a pas démantelé ; pis encore, il a profité de cette structure pour mener sa propre « guerre contre le terrorisme », une guerre qui prend moins la forme d’agressions armées contre d’autres pays que celle d’assassinats dits ciblés un peu partout sur la planète.
Son enquête nous montre les « sales guerres » dans lesquelles sont engagés les USA, au mépris du droit international et de la Constitution états-unienne elle-même. Une guerre sans frontières ni spatiales ni temporelles. N’ayant jamais été déclarée, on ne peut dire quand elle prendra fin. Quant aux terrains d’opération, si les invasions de l’Afghanistan ou de l’Irak permettaient une certaine délimitation territoriale, la guerre s’étend maintenant un peu partout sur la planète : au Yémen, en Somalie, au Pakistan et même aux États-Unis. Le 11 septembre 2001 a servi de prétexte, mais les mécanismes en avaient été élaborés bien avant.
Cette guerre est menée à coup de drones, de missiles de croisière et de raids des forces spéciales. Les détentions arbitraires et sans perspective de procès ne se limitent plus à Guantánamo. Des centres de torture disséminés un peu partout dans le monde, des procédures abusives, des opérations commandos qui équivalent à des lynchages, tout cela et pis encore fait que le nombre des ennemis des États-Unis se multiplie à l’infini, alimentant en retour les instruments de cette guerre secrète. Après les révélations de WikiLeaks ou de Snowden, les informations contenues dans ce livre ne peuvent que nous forcer à nous interroger sur le pouvoir tentaculaire des services secrets, pas seulement aux USA, mais également au Canada. « Aujourd’hui, au nom de la sécurité nationale des États-Unis, le président et ses conseillers déterminent secrètement qui doit vivre ou mourir, interprètent les lois derrière des portes closes et considèrent qu’aucune cible n’est illégitime, pas même un citoyen américain. » Qui osera encore prétendre que nous vivons en démocratie ?