Pierre Beaulne, Serge Denis, Louis Gill, Sylvie Morel
Le capitalisme au Canada et la « révolution » Harper
Le capitalisme au Canada et la « révolution » Harper, Pierre Beaulne, Serge Denis, Louis Gill et Sylvie Morel, Montréal, M Éditeur, 2014, 131 p.
Le gouvernement conservateur canadien milite activement contre certaines mesures apparentées à l’État-providence, il encourage l’exploitation fiévreuse des sables bitumineux et il se spécialise dans l’affaiblissement du mouvement syndical. Tel semble être le socle à partir duquel nos quatre auteur·e·s se sont entendu·e·s pour nous livrer le fruit de leur analyse du virage néolibéral de la fin des Trente Glorieuses à aujourd’hui.
Pierre Beaulne dresse un bilan de l’évolution du capitalisme canadien des années 1980 à 2013. Sous le néolibéralisme, le capital canadien a été en mesure de s’approprier une part importante des nouvelles richesses produites. Il s’est remodelé à l’interne comme à l’externe autour des industries financières et des ressources énergétiques et minières. Comme l’écrit à juste titre Beaulne, nous assistons en ce moment à un « remodelage de l’espace canadien, en termes d’activités industrielles, de concentration démographique [et] de dynamiques régionales. » Le centre ontarien, l’ouest et Terre-Neuve y gagnent ; le Québec, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard y perdent.
Chiffres à l’appui, Louis Gill montre comment la crise financière de 2008 a été récupérée par le gouvernement Harper pour mieux imposer un virage à droite à travers un nouveau processus de « désengagement de l’État ». Voir à ce sujet la mise en place des mesures suivantes depuis 2010 : la privatisation des services publics ; la réduction de la fiscalité et l’accentuation de son caractère régressif ; la déréglementation ; la réduction de l’État au rôle d’accompagnateur de l’entreprise privée et de promoteur de lois en sa faveur. Gill ajoute que la décision du gouvernement Harper de miser sur le pétrole et « de l’exploiter sans limites » comporte une contrepartie qui a pour effet de précariser le secteur manufacturier « sans parler des torts irréparables à l’environnement ».
Serge Denis s’intéresse quant à lui aux nombreux reculs encaissés par le mouvement syndical depuis plusieurs décennies. Il soutient que le « compromis social » de l’après-Deuxième Guerre mondiale est mis à mal. Pour l’essentiel selon lui, le gouvernement Harper remet en question deux choses : « la légitimité des syndicats » et sa capacité « [d]’action revendicative ».
Sylvie Morel dégage l’impact de la contre-réforme conservatrice du programme d’assurance-emploi entrée en vigueur le 6 janvier 2013. Par delà la présentation de plusieurs de ces dispositions régressives, elle avance des pistes de réforme en vue de faire de ce programme un authentique outil de développement social et économique au Québec.
Ce livre comporte quatre textes très éclairants autour des aspects désastreux des virages antisociaux et anti-écologiques qui affligent le Canada depuis l’arrivée de Stephen Harper au pouvoir en 2006 (et même avant). Nous vous recommandons fortement la lecture de cet ouvrage rédigé par des personnes chevronnées.