La fin de l’État de droit ?

No 056 - oct. / nov. 2014

Frédéric Bérard

La fin de l’État de droit ?

Yvan Perrier

La fin de l’État de droit ?, Frédéric Bérard, Montréal, XYZ éditeur, 2014, 162 p.

Dans cet opuscule, Frédéric Bérard s’intéresse à diverses pratiques de certains membres des gouvernements d’Ottawa et de Québec qui vont à l’encontre de l’État de droit. Les dérogations qui retiennent son attention sont divisées en trois grandes parties : « Violations des droits et libertés », « Populisme et tribunal médiatique » et finalement « Séparation des pouvoirs, puissance publique et respect de la Constitution ». Parmi les grands sujets retenus pour des fins d’analyse mentionnons les suivants : l’affaire Omar Khadr, la loi anti-manifestation adoptée par le gouvernement Charest en 2012 (la « Loi 12 »), l’utilisation de l’information obtenue sous la torture, la commission Charbonneau, le retrait du Protocole de Kyoto, le registre des armes à feu, la réforme du Sénat, la Charte des valeurs, etc.

Critique

Il manque à notre auteur une vision critique solide des concepts d’État de droit, de la raison d’État et de l’État. Expliquons-nous. Bérard reprend à son compte la définition du juriste autrichien Hans Kelsen qui postule, au sujet de l’État de droit, qu’il s’agit d’un « État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée ». Bérard nous suggère-t-il que l’État de droit serait parvenu à supplanter ou à éradiquer « la Raison d’État », c’est-à-dire « la toute-puissance publique » ? Nous ne sommes réellement pas convaincu d’une telle possibilité.an

La définition de Kelsen n’est qu’une illusion qui masque ce qui se passe réellement dans les officines du pouvoir où l’on prétend défendre l’État de droit. Rappelons ici ce qu’écrivait Paul Valéry au sujet de l’État : « L’État est un être énorme, terrible, débile. Cyclope d’une puissance et d’une maladresse, enfant monstrueux de la force et du droit, qui l’ont engendré de leurs contradictions, il ne vit que par une foule de petits hommes qui en font mouvoir gauchement les mains et les pieds inertes et son gros œil de verre ne voit que des centimes et des milliards. L’État, ami de tous, ennemi de chacun… »

L’État n’est quand même pas une abstraction. Il y a derrière cette entité des personnes physiques – des dirigeant·e·s – dont les actes expriment la volonté des gens qui sont en position de pouvoir. Derrière l’État, il y a des individus (un premier ministre, des ministres) qui, dans l’exercice de leurs fonctions, agissent et imposent leur volonté à d’autres (des dirigé·e·s). Les atteintes à l’État de droit par les membres des pouvoirs exécutif, législatif et répressif sont continuelles.

C’est en analysant les négociations des rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec que l’auteur des présentes lignes a perdu ses illusions au sujet de l’État de droit. « L’État de droit, attention : fragile » (selon le titre de la postface rédigée par Vincent Marissal) ? Non. « L’État de droit, attention : concept bidon », selon notre lecture de la réalité.

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