Forum social des peuples
Convergence des luttes sociales
Du 21 au 24 août a eu lieu à Ottawa le premier Forum social des peuples - Québec, Canada et Premières Nations. L’imposante auto-programmation comportait des dizaines d’ateliers sur de nombreux thèmes, des assemblées de convergence et une assemblée générale clôturant le tout. Près de 5 000 personnes y ont participé. Quatre auteures, membres du Collectif d’À bâbord !, présentent ici l’état de la réflexion sur certains enjeux abordés au Forum social des peuples.
Le Forum social des peuples (FSP) a rassemblé une panoplie de groupes – notamment les Premières Nations, les femmes, les syndicats, les groupes de solidarité internationale, anticapitalistes, environnementaux, communautaires – pour tisser les « mouvements collectifs ensemble afin de faire face à la crise imminente » et « contrer les attaques du gouvernement contre nos droits, nos emplois, notre environnement, nos services et notre futur ». Il importait de créer de nouvelles collaborations ou de les accentuer entre les mouvements progressistes du Canada, du Québec et des Premières Nations à la fois à court terme, notamment en vue des élections de 2015, et à plus long terme, pour réfléchir à un nouveau modèle de société.
Tout au long du FSP, la présence marquée et centrale des peuples autochtones – symbolique et de contenu – a rappelé la nécessité de mettre fin aux rapports coloniaux et oppressifs qui ont marqué notre histoire.
Le Forum s’est montré novateur avec la création d’assemblées de convergence et d’une assemblée des mouvements sociaux, conviant les groupes à discuter des priorités et des plans d’action communs pour les mois à venir. Il s’agissait de dresser la table pour faire durer le forum au-delà de quelques jours d’ateliers fort divers, mais qui ne permettent pas à eux seuls de structurer une résistance plus durable.
Or, le processus des forums sociaux, porté par l’idée de « renouveler la politique et la démocratie », se fonde sur la diversité des tendances représentée par les groupes, son caractère non hiérarchique, et sa volonté de mettre l’accent davantage sur les processus plutôt que sur les résultats politiques. Dans le contexte actuel où il est urgent d’agir pour protéger nos droits et le bien commun, les assemblées du FSP ont évité cette dichotomie – souvent décriée – en tentant d’y réconcilier processus et action politique. Ainsi, l’Assemblée des mouvements sociaux en est arrivé, après quelques résistances, à formuler un appel à l’action ralliant la plupart des groupes présents, selon un processus participatif et ouvert. Un encouragement, un cri de ralliement en faveur d’un autre projet de société.
Dans ce laboratoire social, le plus étonnant est que cet appel à l’action et à la convergence pour « freiner les attaques à la démocratie, libérer nos sociétés du capitalisme néolibéral, de l’impérialisme, du patriarcat, du colonialisme, du racisme, de l’hétérosexisme, du pouvoir des grandes entreprises sur les peuples » ait été soutenu sans heurts par les participant·e·s des groupes impliqués. Procédé non conforme aux principes du Forum social mondial, peut-être, mais l’urgence d’agir dans le contexte canadien demandait cette fois-ci d’aller au-delà du simple processus.
« Notre appel est large et s’adresse à toute la population et aux autres mouvements, un appel à travailler ensemble pour battre les conservateurs. Un appel à travailler à la défaite du conservatisme et du néolibéralisme. Un appel à rebâtir une démocratie saine et à penser un autre système, non pas basé sur l’oppression et l’exploitation, mais sur une économie de la vie et du bien-être des personnes et de la Terre. »