Perdre le sud

No 086 - décembre 2020

Maïka Sondarjee

Perdre le sud

Claude Vaillancourt

Maïka Sondarjee, Perdre le sud, Montréal, Écosociété, 2020, 272 pages.

Avec Perdre le Sud, Maïka Sondarjee lance un important rappel à l’ordre : il faut sortir de notre cocon et remettre les préoccupations internationales à notre programme. Si chaque pays subit sa part de difficultés, l’autrice montre bien que celles-ci ne sont pas nécessairement équivalentes. Elle expose les problèmes vécus dans plusieurs pays du Sud, auxquels nous ne pouvons rester indifférent·e·s, ne serait-ce que parce que nous en sommes souvent à la source. Dans un passage particulièrement convaincant, Maïka Sondarjee montre, par exemple, comment les pays du Nord ont « externalisé » les coûts sociaux et environnementaux de leur mode de vie privilégié. Ils vident les pays du Sud de leurs ressources, en font les principales victimes du réchauffement climatique (sans qu’ils y aient contribué), exploitent à fond une main-d’œuvre sous-payée et aliénée (composée en grande partie de femmes).

Il existe cependant une tendance importante, même chez les militant·e·s de gauche, à se replier à l’échelle de la nation et se consacrer à ce qu’on peut changer chez soi (il aurait été intéressant d’en analyser attentivement les causes) — un phénomène accentué par la COVID-19 qui ramène les gens à l’intérieur de leurs frontières. Tout cela alors que se répand un nationalisme de droite, raciste et sexiste. L’autrice appelle à une relance plus que nécessaire de l’internationalisme, pour combattre les formes multiples d’exploitation dans le monde, et nous invite à considérer les luttes de façon globale.

Si le contenu du livre est pertinent, sa façon de le présenter peut soulever quelques irritations. Que l’autrice dénonce la « démondialisation » peut aller de soi : il est vrai que cette tendance, adéquate telle qu’exposée par Walden Bello et ses disciples, a subi une récupération inquiétante et que le terme est aujourd’hui galvaudé. Mais le reproche, important dans le livre, selon lequel l’altermondialisme n’offre pas solutions concrètes est très inapproprié. On a entendu cette affirmation fausse des centaines de fois, de la part des représentants de la droite.

L’autrice propose à la place un « internationalisme radical », qui est, en gros, la même chose que l’altermondialisme. Ne s’alimente-il pas des mêmes sources et n’adopte-t-il pas les mêmes solutions ? (Notamment : annuler la dette des pays du Sud, réguler et taxer les entreprises transnationales, défendre la justice climatique, éliminer les paradis fiscaux, pratiquer un commerce équitable, etc.) L’autrice semble ainsi vouloir imposer sa marque, son nouveau slogan, sans trop reconnaître l’important travail accompli auparavant. L’ouvrage a par ailleurs une certaine tendance à réinventer la roue, ce qui le rend moins efficace. Plutôt que de se présenter comme une rupture et une nouveauté face au passé récent, le propos général aurait gagné en force à se situer en continuité avec une tradition militante et à rendre hommage à celles et ceux dont les analyses ont nourri cet ouvrage, et qui ont énoncé la plupart des propositions explicitées ici.

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