Présentation du dossier
Résilience écologique : résistance ou résignation ?
La résilience, concept polysémique et multidisciplinaire, est au cœur du discours d’une très grande variété d’acteur·trice·s réagissant aux changements climatiques et à l’effondrement de la biodiversité. Du Forum économique de Davos au Forum social mondial, en passant par la nomination du mot de l’année par le magazine Time en 2013, il semble falloir parler de résilience. Or, avec un tel concept utilisé tant par les environnementalistes que par les milieux d’affaires, que reste-t-il de la force évocatrice du mot ? Dans la littérature, il ressort deux grandes stratégies de résilience, qu’on nomme « résilience réactive », en lien avec une capacité d’absorption face à une perturbation et « résilience proactive », qui réfère à une adaptation planifiée. Cette planification, cette préparation soulève un potentiel de transformation, de réorganisation et de renouvellement des structures comme des écosystèmes. C’est à partir d’une telle potentialité émancipatrice que la gauche doit se réapproprier les concepts de résilience et d’adaptation.
Face à un effondrement de notre système rendu quasiment inévitable, plusieurs scientifiques développent de nouveaux concepts exprimant le niveau d’urgence et l’ampleur de la situation. Ainsi, l’ère actuelle est présentée comme celle de l’Anthropocène, en référence à l’incroyable impact de l’humain sur l’écosystème terrestre. En regard de l’étude des civilisations éteintes et des difficultés à venir pour la société actuelle, certains ont initié un champ de recherche nommé collapsologie. Tous ces concepts créent inévitablement de l’angoisse. L’écoanxiété se répand à grande vitesse, notamment parmi la jeunesse. Si ne rien faire n’est pas une option, après avoir cerné le problème et nommé tous ces aspects, il est nécessaire de passer au stade de l’acceptation tout en maintenant la résistance active.
Dans ce dossier, nous tentons, bien humblement, une reconceptualisation critique de la résilience et de l’adaptation aux crises environnementales. Ces termes ne doivent pas signifier une acceptation « aquoiboniste » et défaitiste d’une catastrophe dont les plus vulnérables subissent déjà les contrecoups. Cette posture nous mènerait alors aux pires des scénarios présentés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Il n’est pas non plus possible d’être dans l’aveuglement volontaire ; nous devons continuer la lutte sans ignorer qu’il faudra aussi amortir et vivre avec les changements à venir. Comment naviguer entre le pessimisme et l’espoir, la résignation et la combattivité, un savoir qui nous annonce le pire et la possibilité d’en sortir ? Nous guider le mieux possible dans ces méandres, voici le complexe défi que nous avons tenté de relever dans ce dossier. Bonne lecture !
Dossier coordonné par Pierre Avignon, Xavier P.-Laberge et Claude Vaillancourt
Illustré par Frédéric Sasseville-Painchaud
Avec des contributions de Dominique Bernier, Jérémie Bouchez, Mélanie Busby, Vanessa Cournoyer-Cyr, Julien Deschênes, Éric Desjardins, Carole Dupuis, Catherine P. Perras, Josée Provençal et Pier-Olivier St-Arnaud, Claude Vaillancourt et Christian Vanasse.