Marcos Ancelovici, Pierre Mouterde, Stéphane Chalifour et Judith Trudeau
Une gauche en commun. Dialogue sur l’anarchisme et le socialisme
Marcos Ancelovici, Pierre Mouterde, Stéphane Chalifour et Judith Trudeau, Une gauche en commun. Dialogue sur l’anarchisme et le socialisme, Montréal, Écosociété, 2019, 264 pages.
Objectif ambitieux, s’il en est un : Une gauche en commun tente de réconcilier un anarchiste, Marcos Ancelovici, et un socialiste, Pierre Mouterde. Deux penseurs québécois bien connus dans leur courant respectif, Ancelovici et Mouterde s’entretiennent sur différents enjeux, dans ce livre sous la direction de Stéphane Chalifour et Judith Trudeau. Mouterde, militant des premières heures de Québec solidaire, est un expert des mouvements sociaux chiliens et un auteur de multiples essais de philosophie politique. Ancelovici, de son côté, est né au Chili de parents socialistes, et est professeur de sociologie spécialisé, lui aussi, dans l’étude des mouvements sociaux.
Les deux penseurs, s’inscrivant dans deux tendances qui se sont historiquement violemment opposées, réussissent à trouver des terrains d’entente au fil de leurs discussions. Au-delà des clivages traditionnels, comme ceux autour de l’importance du vote ou de la réappropriation des mouvements sociaux et étudiants par les partis de gauche, Ancelovici et Mouterde se rejoignent notamment dans leurs constats sur la fragmentation de la gauche et le manque de projet rassembleur et mobilisateur. Ils se recoupent aussi dans leur valorisation de la non-hiérarchisation des luttes, ainsi que du travail constant de mise en commun de celles-ci. Les discussions entre les deux militants traitent de plusieurs questions qui sont au cœur autant de l’anarchisme que du socialisme, comme leur héritage théorique, le nationalisme, les moyens d’action politique comme les manifestations et le vote, ainsi que la révolution.
Il faut cependant faire une mise au point pour les lecteur·trice·s potentiel·le·s. Ce livre s’adresse à un public assez spécialisé. En effet, il plaira généralement aux universitaires anarchistes ou socialistes, car le débat entre les deux penseurs s’avère par moments très théorique. Aussi, l’angle choisi pour débattre ainsi que la teneur des questions semblent davantage correspondre à la lunette marxiste et socialiste, ce qui relègue Ancelovici à tenter d’ajuster ses réponses, à tendance anarchiste, au terrain essentiellement socialiste.
Malgré les quelques lacunes, si vous faites partie du public cible, vous trouverez ce livre intéressant et parfois même palpitant. Cela d’autant plus que de nombreux échanges informent de manière approfondie sur la situation actuelle et historique de la gauche sud-américaine, tandis qu’une autre bonne partie de l’ouvrage aborde le Québec et les débats qui y ont cours.