Dossier : Résilience écologique. Résistance ou résignation ?
Des services publics forts pour bâtir la résilience
La situation peu commune que nous vivons en contexte de pandémie nous permet de voir que lorsqu’il y a une réelle volonté politique, des changements radicaux et rapides sont possibles. Il importe d’user de la même diligence pour prévenir de nouvelles crises, dont celles qui découleront, si rien n’est fait, des changements climatiques. En raison de leur statut unique, les services publics peuvent – et doivent – faire partie de la solution.
Les services publics, comme l’école et les soins de santé notamment, constituent sans doute le levier le plus efficace dont dispose le gouvernement pour faire face aux défis engendrés par la crise écologique. En tant que maître d’œuvre de ces institutions, le gouvernement peut agir directement et rapidement pour rendre son parc immobilier, sa flotte de véhicules et ses politiques d’approvisionnement conformes aux plus hauts standards écologiques.
Par leur mission même, des services de santé robustes, gratuits et accessibles contribuent directement à améliorer la résilience des populations, comme l’a démontré de façon éloquente la pandémie de COVID-19. Si certains en doutaient encore, la crise sanitaire que nous traversons a sans aucun doute souligné à grands traits l’importance capitale de ces services et la nécessité impérieuse de les financer adéquatement.
Il en va de même pour l’éducation, qui bâtit la résilience en s’attaquant aux causes des crises plutôt qu’à leurs effets et en offrant l’un des meilleurs remparts qui soient contre les inégalités. Un consensus international existe autour du concept d’éducation comme élément clé de la transition juste.
Tout programme d’éducation à l’environnement et à l’écocitoyenneté doit cependant être développé en étroite collaboration avec les personnes qui travaillent en éducation. Une telle stratégie se doit de respecter notamment l’expertise, l’autonomie professionnelle et la réalité du personnel de l’éducation. En effet, bon nombre de travailleuses et de travailleurs de ce secteur s’investissent déjà activement en la matière, notamment au sein du mouvement des Établissements verts Brundtland de la Centrale des syndicats du Québec (EVB-CSQ), actif depuis 1993.
Une répartition territoriale cruciale
Les institutions publiques que sont les services éducatifs et de santé ont aussi l’avantage d’être relativement bien réparties sur le territoire, ce qui peut contribuer favorablement à augmenter la résilience des collectivités situées hors des grands centres. Au-delà de leur mission première, elles agissent souvent comme lieu de réunion, de rassemblement ou d’activité communautaire. En cas de catastrophe naturelle, l’école joue très souvent un rôle pivot en transmettant des informations cruciales à la population, voire en servant d’abri de fortune aux sinistré·e·s.
La pandémie nous donne également un avant-goût de ce à quoi pourraient ressembler nos économies si on laissait s’emballer la crise climatique sans changer de paradigme. L’investissement dans les services publics peut créer des emplois à fort impact social, mais à faible intensité carbone, qui permettent de construire la résilience des collectivités un peu partout sur le territoire. Ce sont aussi des emplois à prédominance féminine, contrairement à ce qu’on voit dans l’habituel recours au béton pour stimuler l’économie.
En contexte de transition, il importe également d’assurer une offre de formation publique gratuite et accessible partout, notamment dans les régions ressources, pour aider les travailleuses et travailleurs des secteurs lourds à se requalifier.
Des solutions collectives et démocratiques
Bien que l’expérience des derniers mois ait illustré de manière dramatique les dérives possibles lorsqu’on choisit de confier un secteur névralgique au privé – en l’occurrence les soins aux aîné·e·s – et malgré la prise de conscience qui en a découlé au niveau gouvernemental, le risque de marchandisation des services publics est toujours bien présent.
Les services publics constituent pourtant une voie beaucoup plus viable que la tendance actuelle des gouvernements de s’en remettre aux solutions de marché alimentées par des fonds publics et privés. Motivées par le profit d’abord, ces dernières font trop souvent partie du problème sans apporter de réponse convaincante aux défis contemporains.
La crise climatique nous donne donc une raison supplémentaire d’exiger de nouvelles règles à l’échelle internationale et de nouveaux outils de financement qui donnent le pouvoir aux gouvernements démocratiquement élus, et non pas au secteur privé. Il est urgent d’effectuer des investissements qui ne soient pas contraints par la maximisation des profits et la rentabilité à court terme, mais qui visent plutôt à lutter contre les changements climatiques, à construire la résilience et à réduire les inégalités.
La pandémie a fait ressortir les inégalités de manière flagrante ainsi que l’importance marquée de certains secteurs névralgiques et des gens qui y travaillent. Cet enseignement doit être utilisé pour affronter cette autre crise qui nous menace et opérer sans tarder une transition écologique porteuse de justice sociale, faisant notamment une place de choix aux services publics. Seulement ainsi pourrons-nous construire cette société résiliente qui nous permettra de surmonter les défis de ce siècle.