Dossier : Résilience écologique.

Dossier : Résilience écologique. Résistance ou résignation ?

Cinéma de science-fiction : un regard critique sur notre monde

Pier-Olivier St-Arnaud

Lorsqu’il est question d’œuvres cinématographiques de science-fiction, l’un des thèmes les plus populaires et les plus fréquemment représentés est sans conteste l’effondrement de la civilisation telle qu’on la connait. De tous les scénarios proposés, c’est régulièrement celui de la catastrophe environnementale qui vient mettre les bases de l’œuvre de science-fiction.

Quoi de plus crédible pour établir les prémisses de ces intrigues que les dérapages écologiques que nous vivons actuellement : catastrophes naturelles, réchauffement planétaire, ressources naturelles exploitées et raréfiées, ou encore disparition de la faune et de la flore ? Pour le ou la cinéphile amateur·e qui recherche le simple divertissement, rien de plus angoissant que ces films qui nous prédisent la fin de l’humanité.

D’entrée de jeu, il faut dire qu’on associe régulièrement la science-fiction à une « boule de cristal » permettant un regard intéressé sur un futur distant ; une machine à prédiction des phénomènes techno-scientifiques ou sociaux à venir, qui fournira des avertissements ou des mises en garde. Bien que ce ne soit pas réellement le cas, il demeure tout de même intéressant de se pencher sur les représentations au sein de la science-fiction ; sans la considérer comme un objet mystique permettant d’appréhender avec certitude l’avenir et ses dangers, mais en la voyant plutôt comme un outil de réflexion sur le monde actuel et ses préoccupations. Pour Eileen Gunn, populaire autrice de science-fiction, ce répertoire permet notamment d’illustrer et de matérialiser de possibles futurs de nos sociétés contemporaines et, par le fait même, d’imaginer la société de demain et les défis auxquels elle devra faire face [1].

Mais que peut-on tirer comme enseignement des films dont la trame narrative est portée par l’apocalypse climatique ou le cataclysme écologique ? Pourquoi s’entête-t-on donc à produire de telles œuvres ? Lorsqu’on visionne et analyse ces œuvres qui parcourent et explorent ces thèmes, deux enjeux centraux ressortent, soit l’effondrement de la société telle qu’on la connait et la pulsion combative de survivance chez l’être humain.

Voir l’avenir

Yannick Rumpala, professeur en sciences politiques à l’Université de Nice, explique que la science-fiction est essentielle pour concevoir la société de demain, puisqu’elle permet de tester « des choix de société » en poussant l’expérimentation à son paroxysme, hors de la réalité telle qu’on la connait actuellement [2].

En ce sens, les œuvres cinématographiques permettent d’imager et de visualiser des phénomènes climatiques ou écologiques qui, selon le consensus scientifique actuellement en vigueur, verront le jour d’ici la prochaine trentaine d’années. Comment mieux faire comprendre l’importance de l’urgence climatique aux néophytes environnementaux qu’en mettant en lumière un monde qui n’est que désert de sable où l’on est prêt à tuer pour de l’eau (Mad Max) ? Comment mieux réaliser l’importance et l’impact de la fonte des glaciers qu’en submergeant nos continents et nos villes (Un monde sans terre) ? Comment mieux cerner les conséquences de la surconsommation et du prêt-à-consommer qu’en inondant de déchets et de rebus notre planète (Wall-E) ? Bien que ces contextes imaginatifs ne représentent en rien des actions concrètes permettant de mettre un frein à la pente glissante sur laquelle l’humanité se situe actuellement, ils permettent néanmoins de mettre en images des situations jusque-là inconnues, des catastrophes si terribles qu’on les croit invraisemblables et, par conséquent, qu’on ignore puisque le gouffre n’apparaît pas encore devant nos yeux.

Un pareil choc visuel peut permettre de développer une importante sensibilisation du public devant les problèmes environnementaux, là où les faits scientifiques, les chiffres et les statistiques ont échoué.

La résilience chez l’être humain

Dans ces œuvres cinématographiques de science-fiction, les sociétés, qu’on pourrait qualifier de « survivantes » à ces cataclysmes, ont ces éléments en commun : elles sont combatives, persévérantes et déterminées. Alors qu’ils sont devant des dangers imminents, les personnages apprennent à se ressaisir : la survie de l’humanité en dépend.

Même lorsqu’ils se trouvent au bord du gouffre, ils se battent, s’entraident et tentent, tant bien que mal, de survivre dans un monde qui ne veut plus d’eux (Les fils de l’homme). Cette persévérance devant l’abysse frappe l’imaginaire lors du visionnement. La plupart du temps, on nous présente des sociétés où les gouvernements sont tombés et les organisations internationales disparues. Les humains doivent s’organiser, par eux-mêmes, en petite collectivité pour assurer leur survie (Pandorum). Dans ces scénarios apocalyptiques, cette résilience humaine crève l’écran. Même si les catastrophes environnementales présentées sont spectaculaires et permettent cette introspection précédemment discutée, il n’en demeure pas moins que ce qui permet de ne pas se sentir déprimer au visionnement de ces films, c’est ce combat pour la survie que les scénaristes et réalisatrices mettent en scène, cette volonté qu’a l’humanité représentée de se porter à son propre secours, cette lueur dans la noirceur (Le transperceneige).

On retrouve donc, par le biais de ces œuvres de science-fiction, à la fois un exutoire des craintes et inquiétudes de l’humain quant à sa présence sur Terre, mais également une action purificatrice, une révélation cathartique. Il est possible d’y distinguer les éléments malsains et à proscrire pour éviter, voire éliminer, ces futurs dystopiques présentés au grand écran.

De l’adaptation aux changements

Yannick Rumpala écrit justement, dans un texte intitulé « Sur les ressources de la science-fiction pour apprendre à habiter l’Anthropocène et construire une éthique du futur [3] », que les œuvres de science-fiction permettent de problématiser et d’interroger nos rapports humains, notre vision du monde, mais qu’elles vont également plus loin en mettant en lumière les capacités humaines à trouver des voies d’adaptation. Devant la crise écologique et environnementale, les humains apprennent à modifier leurs comportements, à changer leurs habitudes, à moduler leurs actions en fonction des conséquences prévues. Ces films permettent donc de mettre en scène des humains qui s’adaptent aux cataclysmes et qui réfléchissent à leurs actions et leurs conditions d’existence. Un peu comme nous devrions le faire en tant que responsables de ces atteintes à l’environnement. Les actions qui servent à la survie humaine dans ces films sont également un appel positif à l’action immédiate. C’est un peu comme si les protagonistes nous disaient : « Voyez, même aux limites de l’abysse, il est encore possible de changer, de s’adapter et d’agir ! ».

Quelques dystopies écologiques

Et la Terre survivra de Douglas Trumbull (1972)

Soleil Vert de Richard Fleischer (1973)

Mad Max de George Miller (1979)

Star Trek IV – Retour sur Terre de Leonard Nimoy (1986)

Un monde sans terre de Kevin Reynolds (1995)

Le jour d’après de Roland Emmerich (2004)

Les fils de l’homme d’Alfonso Cuarón (2006)

Les derniers rayons du Soleil de Danny Boyle (2007)

Wall-E d’Andrew Stanton (2008)

Pandorum de Christian Alvart (2009)

Les bêtes du Sud sauvage de Benh Zeitlin (2012)

2012 de Roland Emmerich (2012)

Le transperceneige de Bong Joon-ho (2013)

Interstellaire de Christopher Nolan (2014).


[1Eileen Gunn, « How America’s Leading Science Fiction Authors Are Shaping Your Future », Smithsonian Magazine, mai 2014. Dispnible en ligne.

[2Yannick Rumpala, « Ce que la science-fiction pourrait apporter à la pensée politique », Raisons politiques, no 40, 2010, p. 97-113. Disponible en ligne.

[3Dans Penser l’Anthropocène, sous la direction de Rémi Beau et Catherine Larrère, Paris, Presses de Sciences Po, 2018, p. 157-172.

Thèmes de recherche Cinéma, Ecologie et environnement
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