Dossier : Violence et politique
Parti pris (1963-1968)
« L’accomplissement de la révolution tranquille, c’est le moment de l’ouverture de la lutte révolutionnaire proprement dite. » Telle est la visée programmatique que défend le Manifeste conjoint de Parti pris et du Mouvement de libération populaire (MLP) en 1965. Aux yeux des fondateurs (André Brochu, Paul Chamberland, Pierre Maheu, André Major et Jean-Marc Piotte), la création d’une « nouvelle bourgeoisie-roi-nègre » par l’entremise du néocapitalisme d’État ne pouvait épuiser les promesses du mouvement des travailleurs québécois. Au contraire, ce moment transitoire appelle un réel combat anticolonial, « celui de la révolution nationale démocratique accomplie sous l’impulsion des classes travailleuses ».
La revue s’alimente d’une littérature neuve et, sous l’influence des Camus, Sartre, Memmi, Fanon, Marx, Lénine, elle définit son programme politique. Si la conjoncture du Manifeste est à la « lutte ouverte » (investir les organisations, veiller à l’éducation populaire et à la formation de militants), le futur parti révolutionnaire ne doit pas exclure, si les circonstances l’obligent, les ressorts de la « lutte armée ». Or, c’est bien le front des consciences qui préoccupera le mouvement qui, en « tenant la plume ou la pancarte », vise l’organisation d’une société nouvelle.
Disparue l’année de la fondation du Parti québécois (PQ), la fin de la revue correspond à la division de la gauche entre l’adhésion au PQ et la création autonome d’un parti socialiste indépendantiste. En 2006, lorsqu’il fait un retour sur sa militance au sein de Parti pris et du MLP, Piotte remarque : « L’histoire se répète : des syndicalistes progressistes proposent de militer au sein du PQ, tandis que Québec solidaire veut développer un parti socialiste et indépendantiste. Cette répétition d’une même division, à plus de 40 ans de distance, n’est-elle pas le signe d’un cul-de-sac théorique, d’une incapacité à articuler politiquement la question nationale aux préoccupations sociales ? »