Isabelle Baez
Maté
Maté , Isabelle Baez, Le Quartanier, coll. « Polygraphe », 2011.
Maté d’Isabelle Baez raconte une histoire ambitieuse qui nous plonge dans de tumultueuses aventures. Une jeune travailleuse humanitaire, Nina Esturiez, est kidnappée en Afghanistan. Sa grande amie Mali part à sa recherche dans la ville de Kaboul déchirée par la guerre. Celle qu’elle cherche se révèle cruellement absente et Mali se doute bien qu’on risque de la retrouver là où on ne l’attend pas.
Isabelle Baez maîtrise très bien les rouages du thriller politique. Derrière l’enlèvement de Nina se cachent de grands enjeux qui concernent la domination du monde par les grandes multinationales. Que peut-on contre elles, se demande l’auteure ? Quels seraient les moyens les plus efficaces pour corriger un ordre des choses dénoncé avec insistance dans le roman ?
Maté est un roman bien construit qui sait ménager ses effets et tisser une intrigue captivante. Il se situe clairement dans le cadre d’une littérature accessible, écrite simplement, qui ne craint pas de faire quelques entorses à la vraisemblance, mais avec des personnages attachants – surtout la narratrice, Mali, qui décrit son existence et sa vision des choses avec une belle sensibilité.
Dans certains passages, Isabelle Baez crée des moments intenses, mystérieux pendant lesquelles elle se permet une plus grande intériorité. Le séjour de Maté à Kaboul, par exemple, réussit habilement à capter l’ambiance si particulière de cette ville aux lendemains du 11-septembre, alors que les supposés sauveurs vivent en liberté très contrôlée et que tout interlocuteur peut se révéler un ennemi. La tension est constante, le ton juste, le suspense efficace.
La résolution de l’intrigue, comme dans bien des histoires du genre, pourrait paraître un peu réductrice, surtout devant les enjeux considérables qui sont abordés dans le livre – une brochette impressionnante de sujets : la guerre en Afghanistan, bien sûr, mais aussi les abus des compagnies minières en Afrique, la reprise en main de certaines entreprises par les travailleurs en Argentine, la concentration de la presse, les abus des banquiers. L’auteure ne s’égare pas dans tout cela, tient le fil par une dénonciation d’un système cohérent, au sein duquel tout est relié.
Maté d’Isabelle Baez réunit donc la réflexion politique et une intrigue d’espionnage très particulière. Ce genre est peu exploité au Québec, sinon, de façon très différente, dans les romans de Jean-Jacques Pelletier. Maté est toutefois moins sensationnaliste et violent, plus resserré, sans immenses complots paranoïaques. Le roman se ramène à une dimension humaine, et porte essentiellement sur les moyens d’action à prendre – ou à ne pas prendre – pour lutter contre un monde profondément injuste, maintenu avec complaisance par les politiciens au pouvoir.