Le Canada : un pays qui se militarise

No 044 - avril / mai 2012

Économie

Le Canada : un pays qui se militarise

Philippe Hurteau

Encore aujourd’hui, plusieurs aiment voir le Canada comme un sympathique pays de Casques bleus œuvrant à la paix et au bonheur planétaire. Pourtant, un fait s’impose depuis maintenant quelques années : le Canada est un pays en voie de militarisation. Une des manières d’observer ce phénomène est de suivre l’évolution des dépenses militaires canadiennes et, de ce point de vue, le constat est assez clair [1].

Bien que depuis la fin des années 1990 les dépenses militaires connaissent une hausse continue au Canada, une recrudescence de cette tendance est observée sous l’égide du gouvernement Harper. Comme le montre le graphique 1, les dépenses militaires au Canada ont augmenté de 8 G$ entre 2005-2006 et 2010-2011, soit une augmentation de 54,2 %. Fait intéressant à relever, le niveau actuel des dépenses militaires au Canada est plus élevé qu’à n’importe quel moment depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale [2]

Un fardeau plus lourd pour l’économie canadienne et les finances publiques

Il est important de mettre en lumière le fardeau de plus en plus lourd que représentent les dépenses militaires pour l’économie canadienne et les finances publiques.

Comme on le voit au graphique 2, la part des dépenses militaires dans l’économie canadienne, soit la part de ces dépenses dans le PIB canadien, est en croissance depuis 2005. À la fin des années 1980, cette part avait grandement diminué en raison de la fin de la guerre froide, jusqu’à atteindre un plancher de 1,1 % du PIB en 2000. Depuis, la part des dépenses militaires dans l’économie a connu une hausse de 43 %.

La part des dépenses militaires du PIB projetée pour 2011, soit 1,6 %, situe le Canada parmi les pays du monde qui font les plus importants investissements en ce domaine. À titre comparatif, mentionnons que les autres pays du G8 qui ne sont pas membres du conseil de sécurité de l’ONU (soit l’Allemagne, l’Italie et le Japon) consacrent en moyenne 1,3 % de leur PIB aux dépenses militaires. À 1,3 %, la moyenne des pays de l’OCDE est également plus basse que le taux de dépenses militaires affiché par le Canada [3].

Du point de vue des finances publiques, la situation canadienne est également problématique en raison de la part toujours grandissante qu’occupent les dépenses militaires au sein du budget global de l’État canadien. Comme le montre le graphique 3, le gouvernement fédéral consacrait, en 2000, 6 % de son budget au financement de la Défense nationale. Depuis, la hausse est constante et rapide. En 2011, il est estimé que la part des dépenses budgétaires du gouvernement canadien accaparée par les dépenses militaires aura atteint près de 8 %

Bref, les dépenses militaires représentent un poids toujours plus lourd à porter pour les Canadiennes et les Canadiens sans que ces dépenses produisent nécessairement des retombées avantageuses pour la collectivité. Du point de vue économique, il s’agit en effet d’un secteur d’activité contestable en raison des « pertes humaines » immanquablement associées à l’industrie militaire ; et du point de vue des finances publiques, le gouvernement, pour chaque hausse des dépenses militaires, réduit d’autant sa capacité d’action dans ses autres sphères d’activité.

* * *

Au moment où le gouvernement dit manquer d’argent pour d’autres secteurs d’importance critique (comme la santé, l’éducation, la protection de l’environnement, le logement social, les retraites, etc.), la poursuite de l’expansion des dépenses militaires est un choix budgétaire des plus contestables. Si le gouvernement du Canada ne consacrait pas autant d’argent à son armée, il pourrait aujourd’hui répondre plus adéquatement aux défis posés par la crise économique mondiale et les changements climatiques.

En fait, ramener la proportion actuelle des dépenses militaires (7,9 %) à celle qui prévalait en 2005, soit 6,4 % des ressources financières de l’État fédéral, équivaudrait à effectuer dès maintenant des économies de l’ordre de 4,7 G$. Malheureusement, notre premier ministre préfère jouer les va-t-en-guerre plutôt que de tenter de répondre aux besoins de la population.


[1Pour avoir la version complète de cette note socioéconomique, visiter le www.iris-recherche.qc.ca.

[2Bill Robinson, Canadian military spending 2010-2011, CCPA, Ottawa, 2011.

[3Idem.

Vous avez aimé cet article?
À bâbord! vit grâce au soutien de ses lectrices et lecteurs.
Partager sur        

Articlessur le même thème