Dossier : femmes inspirées, femmes inspirantes
Louise Dupré
Une femme précieuse pour l’art et l’humanité
Rarement une plongée dans la douleur, son horrifiante exposition,
aura côtoyé avec tant d’ardeur un souffle humain réparateur.
Parmi toutes les femmes qui m’ont influencée, beaucoup exerçaient la profession d’écrivains. Je ne sais pas pourquoi. Adolescente, je m’imaginais enturbannée, ongles laqués et fume-cigarette au doigt, telle Simone de Beauvoir. Les femmes qui écrivent sont-elles dangereuses ?
Aujourd’hui, les œuvres de femmes continuent de me fasciner. Les œuvres et les femmes qui les livrent. J’ai la chance de connaître l’une d’entre elles qui a une grande importance dans ma vie : il s’agit de la poète et écrivaine Louise Dupré.
Nous nous sommes rencontrées il y a une dizaine d’années, je ne sais plus trop quand, en 2000 peut-être. Louise était une spectatrice assidue de mes spectacles et j’avais commencé à fréquenter son œuvre, à la découvrir à travers ses textes, leur beauté si fragile qui se déploie dans l’espace et le temps comme une rose fastueuse. La simplicité complexe de ses livres, opaques dans leur transparence ; la musique fragile de ses mots, au bord des gouffres sans la moindre trace de mélodrame, m’habite et me nourrit.
Au début, nous échangions quelques mots, quelques compliments. Nous nous sommes rapprochées à l’occasion du montage que j’avais réalisé de certains de ses textes. Le dialogue artistique a débuté. Un jour, Louise et moi avons décidé de faire un projet de théâtre ensemble (Tout comme elle, en 2006). Ce fut l’occasion et le prétexte pour nous fréquenter. Nous nous sommes vues souvent, pendant plus d’un an, avant qu’elle écrive en solitaire le magnifique texte de ce spectacle. La personne Louise s’est ainsi révélée à moi, avec sa tendresse, sa générosité, son impeccable fidélité, son intégrité. Je l’ai aussi vue à l’œuvre avec ses étudiantes, à qui elle donnait attention et appui sans compter.
Depuis Tout comme elle, nous ne nous sommes pas quittées. Discuter avec Louise, partager les expériences humaines et artistiques est extrêmement nourrissant. L’entendre parler d’écriture, l’imaginer dans son lit, en train de se débattre avec son prochain manuscrit me donne le goût de créer. La savoir à mes côtés, par la pensée, par l’art, est un grand réconfort.
Louise a publié l’an passé un livre extraordinaire : Plus haut que les flammes. C’est une publication québécoise très importante, qui possède un souffle, un lyrisme, une profondeur époustouflants. Un livre qui explore, avec délicatesse, l’horreur, celle des camps d’Auschwitz et de Birkenau dont les images se juxtaposent au présent, à la vie qui bat. Rarement une plongée dans la douleur, son horrifiante exposition, aura côtoyé avec tant d’ardeur un souffle humain réparateur. Un chef-d’œuvre qui témoigne d’une pensée riche et féconde, d’un talent et d’une sensibilité exceptionnels ! Je suis jalouse !
Quand je soumets un texte en création à Louise, je le fais en toute humilité, avec gêne même. Pourtant, le regard qu’elle porte sur les œuvres des autres est si généreux, si bienveillant. Louise s’engage dans l’œuvre des autres comme elle s’engage dans la sienne : avec lucidité, intelligence et sensibilité, et avec un regard si perçant qu’il vous sidère.
Ainsi la vie vous fait (parfois) des cadeaux, vous permet des rencontres qui comptent. Même s’il est difficile de définir le lien qui vous unit à l’autre, si sa nature vous échappe, on sait, dans le secret de son être, qui sont les êtres qui vous inspirent, qui vous éclairent dans les ténèbres et tendent la main les soirs de détresse et de doute. Louise Dupré fait partie de ces rencontres rares. De ces êtres précieux pour l’art et pour l’humanité.