Dossier : femmes inspirées, femmes inspirantes
Madeleine Parent
Hommage à une vieille dame indigne
Je l’ai aimée et admirée tout de suite.
C’ est ainsi que je titrais un article paru dans le livre Madeleine Parent, militante, paru en 2003 aux Éditions du remue-ménage sous la direction d’Andrée Lévesque, historienne féministe. De dire d’une dame âgée qu’elle est « indigne » n’a rien de péjoratif à mes yeux, bien au contraire. J’adore les vieilles et vieux turbulents, délinquants, qui ne se gênent pas pour parler et agir en dehors de la pensée dominante. Ils ont tout vu, tant appris, tant vécu que plus rien ne les étonne. Plus rien ne leur fait peur et donc, ils osent dire tout haut ce que plusieurs pensent tout bas.
Madeleine Parent n’est plus. J’ai choisi de parler d’elle parce qu’elle fait partie des femmes qui m’ont le plus inspirée dans ma vie. Après ma mère et avec Léa Roback, une autre femme merveilleuse, féministe et syndicaliste méconnue aujourd’hui. « J’aime Madeleine quand elle a raison et quand elle se trompe, quand elle approuve et quand elle s’indigne. J’aime sa pudeur, ses paroles radicales et sa voix douce, son immense générosité. Je ne peux rien lui refuser… ou alors si rarement », écrivais-je dans le même article.
Madeleine Parent fut une infatigable syndicaliste, particulièrement auprès des travailleuses du textile. Elle a été arrêtée plusieurs fois par la police de Duplessis, ce premier ministre autoritaire que certains tentent de réhabiliter aujourd’hui. Pour Duplessis, syndicalisme rimait avec communisme. Madeleine a été accusée de conspiration séditieuse, reconnue coupable en première instance puis acquittée en appel. Avec son mari, Kent Rowley, aussi organisateur syndical, elle a jeté les bases du syndicalisme canadien en opposition aux syndicats internationaux (entendre états-uniens).
Je l’ai connue vers la fin des années 1980, alors que je commençais à travailler et militer activement dans le mouvement des femmes. Je l’ai aimée et admirée tout de suite. Imaginez : une dame d’âge respectable qui pourfend les néolibéraux en n’élevant jamais la voix. Une femme qui pourrait bien se reposer – elle s’approche alors de ses 70 ans –, mais qui continue d’agir en faveur des femmes, des immigréEs, des Autochtones. Une militante qui agit alors au sein du mouvement des femmes canadien et joindra bientôt les rangs de la Fédération des femmes du Québec.
Elle est au premier rang de la marche Du pain et des roses en 1995. Elle participe au virage de la FFQ vers les femmes sans voix. Elle œuvre au rapprochement des groupes de femmes immigrantes et de la FFQ. À cet égard, son apport sera déterminant.
À différents moments, j’ai pu discuter avec elle des combats féministes. Son optimisme était contagieux. Elle me disait : « Tu sais, dans l’histoire, il y a des avancées, des reculs, des moments difficiles et même décourageants. Mais il faut persévérer, car l’humanité avance tout de même. Vois tout le chemin parcouru par les femmes au vingtième siècle ! » Je lui donnais raison. Et aujourd’hui, les jours où l’incertitude et la lassitude surgissent parce que les luttes piétinent ou que les attaques gouvernementales se font brutales, je repense à cette grande dame courageuse et tenace et je me dis que nous n’avons pas le droit de nous laisser aller.
Madeleine Parent demeure chère à mon cœur. J’admirerai toujours sa constance, la force de ses convictions et sa capacité à rassembler. Radicale, elle a toujours su travailler avec des femmes de milieux diversifiés. Elle m’inspire dans mon propre combat pour un Québec à la fois solidaire et féministe, souverainiste et respectueux des minorités, écologiste et créateur d’emplois.
Un grand merci, Madeleine !