Centres de la petite enfance

No 044 - avril / mai 2012

Travail

Centres de la petite enfance

La tenacité des travailleuses

Léa Fontaine

Encore un exemple de la force que doivent déployer des travailleuses pour se faire respecter. La convention collective des éducatrices des centres de la petite enfance (CPE) est échue depuis 2010. La négociation a été laborieuse et s’est étirée dans le temps, jusqu’à cette année. C’est grâce à la détermination de ces femmes et à l’appui de leur syndicat que la négociation collective progresse. Mais il aura fallu utiliser les grands moyens, soit la grève dans 360 CPE.

Apparition des CPE

Dès les années 1980, les salariées des CPE – alors appelés « garderies » – se sont syndiquées auprès de la CSN pour améliorer leurs conditions de travail et faire reconnaître un réseau de garderies. La négociation était à cette époque uniquement locale et les gains, maigres. Ainsi s’impose l’idée de lutter au niveau national pour améliorer le rapport de force des travailleuses. La première négociation nationale aura trois enjeux  : la formation des salariées, les assurances collectives et les congés de maternité.

À la fin des années 1990, la nouvelle politique familiale, mise en place par Pauline Marois, prône l’accès pour tous à la garde d’enfants. Les garderies, renommées centres de la petite enfance, sont des entreprises d’économie sociale, privées et autonomes, sans but lucratif. Institutions spécifiquement québécoises destinées à la garde et l’éducation des enfants en bas âge, elles sont financées par la province et gérées par un conseil d’administration composé d’au moins deux tiers de parents.
Les années 2000 seront notamment marquées par une hausse du tarif de 5 à 7 $ par jour.

Reconnaissance des éducatrices

La CSN a largement contribué à l’amélioration des conditions de travail dans ce secteur, essentiellement féminin, ainsi qu’à la reconnaissance des différentes fonctions des éducatrices. Travailler dans un CPE ne signifie pas simplement « garder » des enfants. Bien au contraire, les éducatrices doivent mettre en œuvre un programme éducatif, intitulé «  Accueillir la petite enfance », qui vise le développement de l’enfant dans les sphères langagière, motrice, cognitive, affective et sociale.

Émancipation des femmes

L’existence des CPE joue aussi un rôle dans l’émancipation des femmes dans la mesure où ils facilitent l’accès au travail et la conciliation travail-vie personnelle. En effet, entre 1997 et 2009, le niveau d’activité économique des Québécoises âgées de 25 à 44 ans et ayant des enfants de moins de 6 ans a augmenté de plus de 11 %, pour atteindre près de 78 %, soit une hausse 2,5 fois plus élevée que dans le reste du Canada. À ce titre, le Québec fait donc figure d’exception.

Négociation collective

La CSN et la CSQ représentent respectivement environ 8 500 membres, répartis dans 360 CPE, et 1 700 membres, répartis dans 75 CPE. La négociation collective a lieu à différents niveaux (national, régional et local), et porte sur différents éléments conventionnés. L’entente conclue au niveau national doit être approuvée par les instances régionales et locales. Au fil du temps et des pressions, les conditions de travail des éducatrices se sont améliorées.

La dernière convention collective est tombée à échéance en 2010. La négociation a débuté lentement et a nécessité le recours à des moyens de pression, dont l’intervention d’un conciliateur du ministère du Travail et la grève. La CSN est parvenue à une entente de principe avec l’association patronale des CPE et le ministère de la Famille et des Aînés. Quant à la CSQ, elle entend poursuivre la négociation afin d’obtenir notamment davantage de financement pour assurer des services aux enfants ayant des besoins particuliers.

« Chialages »

Certains utilisateurs des CPE contestent le recours au droit de grève par les éducatrices, voire suggèrent son abolition et parlent de «  prise d’otage ». À ceux-là, il convient d’affirmer que le droit de grève est un moyen de pression légitime au service de négociation des conditions de travail ; qui plus est, son recours après deux ans de négociation ne peut en aucun cas être jugé fantaisiste. D’autres soulèvent la question de l’essentialité des services des CPE. Or, qualifier les CPE de services essentiels reviendrait à nier le fait que sont uniquement essentiel les services dont l’absence engendrerait ou risquerait d’engendrer un danger pour la santé ou la sécurité publique. Si la grève des éducatrices des CPE perturbe beaucoup la vie familiale et son organisation et peut entraîner des conséquences économiques, et ce, de manière très ponctuelle, elle ne fait pas naître un danger pour la santé ou la sécurité des enfants. Prétendre le contraire frôlerait la mauvaise foi et violerait la loi en portant atteinte au droit de grève des travailleuses, moyen ultime de pression.

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