"We are McGill"

No 044 - avril / mai 2012

Politique

"We are McGill"

Bilan de la grève

Une grève majeure s’est récemment terminée à l’Université McGill. Comme plusieurs en témoignent, le semestre de l’automne 2011 aura été le plus perturbé de l’histoire récente de McGill. En effet, le 1er septembre 2011, les employées de soutien de McGill [1], appuyés par l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), déclenchent une grève générale.

À la fin d’août 2010, le syndicat, qui est en négociation depuis décembre 2010, fait face à une intransigeance éhontée de la part de la direction. Le syndicat a donc proposé la grève comme moyen de pression. Les membres emboîtent le pas avec une détermination exemplaire. Ce qui est à retenir de cette grève éprouvante est la force de caractère des membres. Ils n’ont jamais bronché ni montré le moindre signe de faiblesse à l’employeur et ont adhéré à la revendication synthèse : « Parité avec les autres universités »  !

En effet, les employées de soutien de McGill devaient gravir trois fois plus d’échelons avant d’être payés de manière comparable à leurs homologues de l’Université de Montréal ou de l’UQAM. Alors que dans les autres universités, les échelons pour atteindre le taux maximal vont de 3 à 14 ans, la soi-disant échelle salariale de McGill était étalée sur 37 ans… Ils ne détenaient pas non plus de véritable pouvoir de gestion sur leur fonds de pension et d’assurances. Un redressement majeur s’imposait, d’autant plus que McGill est l’université la plus riche de la province.

Intersyndicalisme à l’œuvre

D’emblée, l’équipe s’entend : pour faire plier l’université, il faudra bâtir une solidarité au sein du campus. Cette stratégie se révélera gagnante, entre autres parce que plusieurs autres syndicats étaient en processus de négociations. Au sein de l’intersyndicale, ont discuté des employéEs étudiantEs, des occasionnelLEs, des chargéEs de cours, des étudiantEs, des professeurEs, des employéEs de soutien ainsi que des chercheurEs. Cette stratégie donnera lieu à des événements de masse qui se sont avérés stimulants, énergisants et qui ont obtenu une bonne résonnance dans les médias. Un très fort sentiment communautaire s’est rapidement développé. « We are McGill » est devenu la devise officieuse du conflit.

La solidarité est aussi venue de l’extérieur du campus. De nombreux groupes syndicaux, communautaires et personnalités politiques ont appuyé les grévistes tout au long du conflit. Mentionnons surtout la FTQ-Construction qui a fait preuve d’énormément de compréhension lorsque nous avons manifesté près du chantier du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

Lutter de façon créative

Durant les trois mois qu’a duré la grève, l’équipe de syndicalistes s’est retrouvée devant deux grands défis. Le premier : savoir se renouveler. Le second : faire face aux injonctions. Dès les premiers jours du débrayage, il a semblé impossible de bloquer toutes les entrées de l’université, mais nous avons assuré une présence remarquée pour diffuser de l’information à propos de la grève. Cependant, le 23 septembre, l’administration de McGill nous prend par surprise en demandant à la Cour supérieure une injonction en matière de restriction de piquetage, ce qu’elle obtient. L’injonction force les grévistes à se tenir à 4 mètres de la porte en groupe de 15 personnes maximum. Notre réponse à cette attaque a été double : 1) déclarer le campus « no free speech zone », 2) déstabiliser l’employeur à l’extérieur du campus.

À ces changements de lieux s’est ajouté une série d’initiatives efficaces allant d’une marche funèbre de la liberté d’expression lors de l’Halloween à un vote massif à l’Hôpital Santa Cabrini où Michael Di Grappa, dirigeant de McGill, se présentait à une fonction élective, en passant par une visite aux membres du CA de l’université pour qu’ils enjoignent la direction de négocier de bonne foi et une forte participation à la manifestation étudiante du 10 novembre contre la hausse des frais de scolarité [2]. En d’autres mots, l’imagination s’est avérée le meilleur remède face aux défis posés par les injonctions.

Cette imagination, partagée et nourrie par les grévistes, a fini par porter ses fruits à la fin novembre lorsqu’un blitz de négociations intensives d’une semaine a permis de conclure une entente de principe. Celle-ci est ratifiée par les membres dans une proportion de 71,5 % – les autres étant encore prêts à se battre !

La nouvelle convention contient des avancées salariales intéressantes, mais les gains les plus importants sont l’établissement progressif, sur quatre ans, d’une échelle salariale de 12 ans et un nouveau pouvoir de gestion sur les régimes de pension et d’assurances. En ce qui a trait aux assurances, il est particulièrement intéressant de noter que ce gain s’applique à la majorité des autres travailleurs de l’intersyndicale mentionnés précédemment. En effet, les changements au régime d’assurances devront dorénavant être préapprouvés par les associations représentatives par au moins 70 % des bénéficiaires du régime.

Force est d’admettre que, contrairement à ce que professent les éteignoirs du néolibéralisme et de l’individualisme, lorsqu’on lutte en mettant de l’avant la solidarité, les victoires collectives sont au rendez-vous.


[1Membres de la McGill University Non-Academic Certified Association (MUNACA), un syndicat local de 1 700 personnes.

[2Pour visionner des extraits vidéo de ces manifestations, consultez la page Facebook mise sur pied par le comité des communications de la MUNACA à l’adresse suivante : http://www.facebook.com/McGillStrike.

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