Enseignement et syndicalisme
Réplique à un éditorial de Jean-Robert Sansfaçon
Dans son éditorial du lundi 8 juin, Jean-Robert Sansfaçon s’en est pris au « modèle » québécois, notamment en fustigeant les profs de cégep et leurs conditions de travail d’une manière fort approximative et cavalière.
Depuis le début de la crise sanitaire, et malgré la confusion engendrée par les communications ministérielles contradictoires, le personnel enseignant des cégeps a assumé énormément d’heures de travail pour l’adaptation et l’encadrement des cours en mode non présentiel. Cela ne représentait pas le résultat d’une négociation ardue entre les syndicats et l’État. Nous nous trouvons en état d’urgence et les profs ont rapidement compris l’ampleur du drame qui se jouait autour de l’avenir des jeunes, leur réussite étant au cœur des préoccupations de notre milieu. Le défi était de taille pour amener l’année scolaire vers un dénouement satisfaisant. Avec le soutien de leurs syndicats, les profs l’ont relevé avec brio et plusieurs travaillent déjà à la rentrée de l’automne (car, non, les collèges ne ferment pas leurs portes une fois la session terminée pour la population étudiante, quoi qu’en disent les mauvaises langues), qui s’annonce elle aussi très exigeante. Soulignons que la collégialité et l’autonomie que permet la structure départementale ne s’avèrent pas étrangères au fait qu’elles et ils aient pu relever ce défi et que, contrairement à ce que des esprits chagrins peuvent penser, cette autogestion constitue un atout, et non pas un frein au bon fonctionnement d’un cégep.
La négociation, une simple défense de nos intérêts ?
On peut ajouter que Jean-Robert Sansfaçon tourne aussi les coins ronds en ce qui a trait à la représentation syndicale. Évidemment, d’abord, le rôle d’un syndicat est de défendre et représenter ses membres. Ce rôle est beaucoup plus qu’un symbole, il est enchâssé dans la loi. Nous avons un devoir envers ceux et celles qui paient à leur syndicat des cotisations syndicales.
Cette prémisse ne fait pas nécessairement en sorte qu’un syndicat ne peut pas se soucier d’intérêts collectifs.
Lorsqu’on regarde les priorités qui ont été portées par les profs de cégep dans les dernières années, on s’aperçoit rapidement que nos revendications sont étroitement liées à la qualité de l’enseignement. Prenons par exemple la question de la précarité enseignante. Il y a des enseignantes et des enseignants qui apprennent seulement quelques jours à l’avance le cours qu’elles et ils donneront. Au lieu de pouvoir se préparer sur quelques semaines, un prof n’a que quelques heures. Dans le même ordre d’idées, il y a même, à la formation continue, du personnel enseignant dans le réseau collégial qui n’est pas payé pour l’encadrement des étudiantes et des étudiants. Selon nos patrons, ces derniers n’ont pas besoin d’être encadrés !
Il est trop souvent oublié que les conditions de travail des profs, ce sont aussi les conditions dans lesquelles les étudiantes et les étudiants reçoivent l’enseignement.
Il s’agit donc d’un exemple parmi tant d’autres qui démontre que, même en se portant à la défense d’intérêts qui peuvent parfois sembler particuliers, les syndicats défendent aussi la qualité de l’enseignement.
Le syndicalisme a le dos large
Pendant des années, on a affirmé que les syndicats se mêlaient trop de la politique. On nous tenait rigueur, et on le fait encore, de ne pas nous atteler uniquement à la défense des droits de nos membres. Il s’avère ironique de lire chez M. Sansfaçon – et il n’est pas le seul – qu’on nous reproche aussi spécifiquement de vouloir améliorer les conditions de travail des gens que nous représentons.
Le syndicalisme a toujours été un rempart important contre l’exploitation des travailleuses et travailleurs, mais aussi contre les dérives de nos gouvernements.
Nous avons été pendant des années vivement opposés aux différentes mesures d’austérité qui ont eu les résultats que l’on connaît aujourd’hui dans notre système de santé, des mesures, d’ailleurs, soulignons-le, que nous n’avons pas réussi à bloquer.
On nous trouve peut-être lassants de nous placer souvent dans une posture d’opposition, de dire non, mais les syndicats représentent souvent l’ultime barrière contre les agissements autoritaires et idéologiques des États et des patrons. En cette période charnière où notre gouvernement semble vouloir maintenir l’état d’urgence pour un minimum de deux ans, cette résistance se révélera d’autant plus nécessaire.