Présentation du dossier
Perturbations à prévoir
Les rapports de pouvoir impliquent tous des perturbations humaines et naturelles indéniables. L’état actuel des choses et les systèmes hétéropatriarKKKapitalistes, inégalitaires et destructeurs appellent à des changements d’envergure exigeant que les communautés et les personnes augmentent leurs capacités à hausser la pression − sur les décideurs, les prédateurs, les grandes compagnies, etc. − à travers des actions susceptibles d’enrayer la marche des choses et de remettre en question les assises de sa légitimité. Nous aurons donc encore et toujours des rapports de pouvoir à perturber !
Perturber, pour nous, signifie interrompre momentanément la reproduction par autrui de comportements de domination sur des êtres, des milieux, la vie et sa diversité, dans la perspective de leur interruption prolongée, voire permanente. Ce type d’action vise d’abord à causer une perte du côté des cibles identifiées : faire perdre du temps, des clients, des adhérents, des revenus ; faire perdre la face, des votes, des soutiens, de la légitimité ; faire perdre l’impunité ou l’absence de peur avec laquelle on nous agresse.
Au-delà de cette visée instrumentale, les fonctions des perturbations sont diverses : ouvrir le champ des possibles ; rendre visible l’invisible ; permettre à un ou des groupes d’exprimer une appartenance et une cause ; élargir le réseau des allié·e·s et des amitiés, etc. Les plus complètes préfigureront, dans leur organisation et leur mise en œuvre, des rapports sociaux plus justes et égalitaires, et favoriseront une plus grande démocratie en faisant entendre la voix des sans-voix.
Il ne s’agit nullement ici d’absolutiser ce moyen de faire « ce que l’on peut avec ce que l’on a » (Alinsky). La pertinence de ce moyen doit être évaluée en regard de l’objectif spécifique qu’il doit servir. L’action perturbatrice demeure une tactique au service d’une campagne qui implique d’accroître et de concentrer de façon optimale les formes de pouvoirs spécifiques que nous pouvons exercer sur une ou des cibles politiques ou économiques afin d’accéder à nos revendications. C’est à ce pouvoir transformateur et accessible à tou·te·s, à notre pouvoir sur nos cibles qu’est consacré au fond ce dossier.
Nous le dédions à toutes les personnes qui, par leur courage et leur audace, contribuent à faire dévier de sa trajectoire la marche du monde vers plus de justice, d’égalité, de liberté et de protection de la vie et de sa diversité [1].
Dossier coordonné par Frédérique Godefroid, Martin Jalbert, Xavier P.-Laberge et Amélie Nguyen
Illustrations par Clément de Gaulejac
Avec des contributions de Marcos Ancelovici, Denis Barette, Antoine Beaupré, Ciara Byrne, Philippe de Grosbois, Ellen Gabriel, Martin Jalbert, Elza Kephart, Alyssa Symons-Bélanger et Julien Villeneuve
[1] Nous remercions René Charest, François Saillant et Alyssa Symons-Bélanger qui ont été consulté·e·s lors de la préparation du dossier. Ces personnes ne sont nullement responsables des propos qui y sont tenus et des choix que nous avons faits.