Pouvoir et violence sexiste

No 024 - avril / mai 2008

Andrea Dworkin

Pouvoir et violence sexiste

lu par Mouloud Idir

Mouloud Idir

Andrea Dworkin, Pouvoir et violence sexiste, Montréal, Sisyphe, 2007, 123 p.

Il existe très peu de traductions d’écrits d’Andrea Dworkin. Qui est-elle ? La présentation de l’auteure, écrite par Martin Dufresne, nous dit qu’elle est une philosophe américaine de « grande culture, radicale, matérialiste, lesbienne, anti-raciste, femme de gauche et incarnation d’un espoir humaniste ». De prime abord, Dworkin est une auteure qui nous permet de déconstruire toutes les typologies et les catégories que l’on associe abusivement au féminisme. Au chapitre de ce travail de déconstruction, il y a notamment la remise en cause des « alibis biologiques ou psychologiques prêtés à la domination masculine et à la soumission délibérée des femmes ». Cela est surtout le lot de son œuvre dans son ensemble.

Dans Pouvoir et violence sexiste, Dworkin s’attache surtout à dénoncer les différentes formes de violences (physiques ou symboliques) tendant à l’objectivation des femmes. Elle démonte aussi les mécanismes d’un pouvoir social infligeant de profondes discriminations à leur égard. Pour ce faire, elle prend notamment appui sur la tuerie de la Polytechnique de Montréal, orchestrée en 1989 par Marc Lépine, pour nous illustrer à quel point ce massacre est d’abord un « geste politique » trahissant toute une série de valeurs patriarcales profondément incorporées. Ce massacre montre finalement de façon visible et publique les avatars d’une violence masculine à l’égard des femmes généralement confinée à l’espace privé. À juste titre, Dworkin voit dans le geste de Marc Lépine l’exemple de l’homme ne pouvant coexister hors d’un contexte où les femmes sont complètement soumises. Il faut lire tout le deuxième chapitre de ce livre pour saisir la profondeur d’un tel point de vue.

Un autre combat âprement mené par Dworkin est son opposition à la pornographie et à la prostitution. Cette question a été abondamment traitée par l’auteure en 1981 dans Pornography : Men Possessing Women. Dans ce chapitre, le troisième du présent livre, Dworkin nous décrit les multiples facettes du pouvoir masculin exercé sur les femmes par le biais notamment de la soumission sexuelle et de l’appropriation du corps de la femme. À cet égard, il faut sans doute mentionner que Dworkin, avec l’aide de la juriste Catharine A. MacKinnon (la préfacière du présent ouvrage), avait rédigé un texte adopté par plusieurs conseils municipaux états-uniens dans les années 1980, qui définissait la pornographie comme une forme de discrimination. Ce texte avait été annulé en 1986 par la Cour suprême des États-Unis. Ce combat d’Andrea Dworkin, à l’instar de plusieurs autres, a toujours eu pour pourfendeurs ceux qui visent à déposséder les femmes de leur dignité morale et physique. Il suffit pourtant de bien s’informer des différentes formes de traite que subissent les femmes pour savoir, entre autres, que l’appel à la légalisation de la prostitution consolide davantage des circuits mafieux engendrant exploitation et indignité. C’est tout le mérite de cet ouvrage d’Andrea Dworkin que de nous permettre de saisir les soubassements des diverses formes de domination infligées aux femmes. Il y aurait tant à ajouter…

Thèmes de recherche Féminisme, Livres
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