Pas vu à la télé
Les chorales militantes
par Nesrine Bessaïh
La recette est simple. Vous réunissez quelques personnes autour d’une chanson connue. Vous détournez ensemble les paroles de leur sens original pour en faire une chanson qui dénonce la guerre, le racisme, la destruction de l’environnement, la dictature du capital ou toute autre cause qui vous indigne. Vous répétez comme il faut.
Et puis, c’est là que ça se complique, vous vous donnez en spectacle ! Cela peut se faire dans le cadre d’un évènement militant (manifestation, soirée bénéfice, lancement de journal ou zine) ou au coin d’une rue passante. Si le premier lieu de représentation vous permettra de vous défouler tout en amusant les troupes, le deuxième lieu peut s’avérer éprouvant pour votre estime de vous-même. Quiconque a passé des tracts à la sortie d’un métro sait les efforts que cela demande de confronter les regards parfois indifférents parfois méprisants des honnêtes travailleurs. Le fait de chanter ne vous mettra pas à l’abri de ces mêmes regards. Ils pourraient même s’accompagner de huées et de moqueries en fonction de la qualité de votre interprétation. Mais vous devriez tirer une satisfaction immense des quelques personnes qui vous approuveront et des plus rares qui s’arrêteront pour poser des questions ou discuter du sens de vos paroles.
À Montréal et au Québec, plusieurs chorales de ce type existent : les Mémés Déchaînées et les Raging Grannies recrutent particulièrement leurs membres chez l’âge d’or qui a choisi de ne pas s’endormir. Citons aussi les Amères Noëlles et les Voix féministes de la Maison Parent-Roback dont les paroles de chansons subverties sont disponibles sur le net.
Allez savoir pourquoi ce sont surtout, pour ne pas dire uniquement, des femmes qui s’impliquent dans ce type d’action. Alors tousses ensemble, une chanson des Voix Féministes de la Maison Parent-Roback (sur l’air de I will survive) :
Quand ma grand-mère est née, on pouvait pas voter
Entre le mari pis le curé et pis les 52 bébés
Mais Idola est arrivée pis elle leur a parlé dans l’nez
Depuis nos brassières ont brûlé, ça les gars ont pas protesté !
J’ai survécu ! J’ai survécu !
Aux gros machos aux p’tits fachos, aux cons, aux vieux mon’oncs cochons
Super woman, professionnelle, maman, amante exceptionnelle
Mais le chemin est encore long Pensez juste à Mario Dumont
Mais je survivrai - à Jean Charest !
Aux gynécos sado-maso, aux cervelles des petits oiseaux
Aux ex violents, aux contrôlants, au gros Armand qu’y est ben collant
Mais y’a une chose qui nous fait mal
C’est le virage néolibéral oh oh oh
Maison Parent-Roback on est toutes des Jeannes d’Arc
Y’en a qui jouent à la môman d’autr’ qui chassent des éléphants blancs
Être féministe, de nos jours, des fois j’aimerais mieux être vautour
On dit qu’t’es frustrée sexuelle, que t’es même pas une vraie femelle
Mais je me battrai, et je ripost’rai
À toutes ces camaros, aux insultes et à la porno
À la charia, à la police, à l’ablation du clitoris
Car je suis féministe… Je suis féministe… féministe, féministe…
Je survivrai !