Les chorales militantes

No 024 - avril / mai 2008

Pas vu à la télé

Les chorales militantes

par Nesrine Bessaïh

Nesrine Bessaïh

La recette est simple. Vous réunissez quelques personnes autour d’une chanson connue. Vous détournez ensemble les paroles de leur sens original pour en faire une chanson qui dénonce la guerre, le racisme, la destruction de l’environnement, la dictature du capital ou toute autre cause qui vous indigne. Vous répétez comme il faut.

Et puis, c’est là que ça se complique, vous vous donnez en spectacle ! Cela peut se faire dans le cadre d’un évènement militant (manifestation, soirée bénéfice, lancement de journal ou zine) ou au coin d’une rue passante. Si le premier lieu de représentation vous permettra de vous défouler tout en amusant les troupes, le deuxième lieu peut s’avérer éprouvant pour votre estime de vous-même. Quiconque a passé des tracts à la sortie d’un métro sait les efforts que cela demande de confronter les regards parfois indifférents parfois méprisants des honnêtes travailleurs. Le fait de chanter ne vous mettra pas à l’abri de ces mêmes regards. Ils pourraient même s’accompagner de huées et de moqueries en fonction de la qualité de votre interprétation. Mais vous devriez tirer une satisfaction immense des quelques personnes qui vous approuveront et des plus rares qui s’arrêteront pour poser des questions ou discuter du sens de vos paroles.

À Montréal et au Québec, plusieurs chorales de ce type existent : les Mémés Déchaînées et les Raging Grannies recrutent particulièrement leurs membres chez l’âge d’or qui a choisi de ne pas s’endormir. Citons aussi les Amères Noëlles et les Voix féministes de la Maison Parent-Roback dont les paroles de chansons subverties sont disponibles sur le net.

Allez savoir pourquoi ce sont surtout, pour ne pas dire uniquement, des femmes qui s’impliquent dans ce type d’action. Alors tousses ensemble, une chanson des Voix Féministes de la Maison Parent-Roback (sur l’air de I will survive) :

Quand ma grand-mère est née, on pouvait pas voter

Entre le mari pis le curé et pis les 52 bébés

Mais Idola est arrivée pis elle leur a parlé dans l’nez

Depuis nos brassières ont brûlé, ça les gars ont pas protesté !

J’ai survécu ! J’ai survécu !

Aux gros machos aux p’tits fachos, aux cons, aux vieux mon’oncs cochons

Super woman, professionnelle, maman, amante exceptionnelle

Mais le chemin est encore long Pensez juste à Mario Dumont

Mais je survivrai - à Jean Charest !

Aux gynécos sado-maso, aux cervelles des petits oiseaux

Aux ex violents, aux contrôlants, au gros Armand qu’y est ben collant

Mais y’a une chose qui nous fait mal

C’est le virage néolibéral oh oh oh

Maison Parent-Roback on est toutes des Jeannes d’Arc

Y’en a qui jouent à la môman d’autr’ qui chassent des éléphants blancs

Être féministe, de nos jours, des fois j’aimerais mieux être vautour

On dit qu’t’es frustrée sexuelle, que t’es même pas une vraie femelle

Mais je me battrai, et je ripost’rai

À toutes ces camaros, aux insultes et à la porno

À la charia, à la police, à l’ablation du clitoris

Car je suis féministe… Je suis féministe… féministe, féministe…

Je survivrai !

La Maison Parent-Roback

Thèmes de recherche Féminisme, Musique
Vous avez aimé cet article?
À bâbord! vit grâce au soutien de ses lectrices et lecteurs.
Partager sur        

Articlessur le même thème