L’indépendance - Laquelle ? Pour qui ?
Une démarche originale : L’Assemblée constituante
Au début des années 1970, le terme référendum n’évoquait à peu près rien pour l’écrasante majorité de la population du Québec. Il en est sans doute ainsi, aujourd’hui, pour le projet d’Assemblée constituante proposé notamment par Québec solidaire. Mais, qui sait, dans une dizaine d’années le terme assemblée constituante sera peut-être sur toutes les lèvres ? D’autant plus que l’idée n’est pas nouvelle et pourrait très bien s’imposer comme perspective centrale visant à solutionner la question nationale. Le PQ semble avoir pour sa part définitivement choisi la voie de la gouvernance provinciale.
Déjà lors de l’insurrection des Patriotes de 1837-1838, des éléments révolutionnaires comme Nelson ont soulevé cette nécessité afin de rebâtir un réseau d’institutions sur les ruines du pouvoir britannique qu’ils espéraient vaincre. Le sort des armes en a décidé autrement. L’idée ressurgit en marge des États généraux du Canada français et, plus tard, de la Commission Bélanger-Campeau.
Actuellement, dans des pays comme la Bolivie et le Venezuela, dans un contexte de fortes mobilisations axées sur le contrôle des ressources naturelles, la population s’est invitée à cette oeuvre de réécriture de sa loi fondamentale. Ici, comme ailleurs, ce projet d’Assemblée constituante se réalisera dans un contexte de transition. Dans le cas qui nous occupe, cette transition s’articule entre la rupture avec l’ordre politique canadien et l’avènement d’un État québécois souverain.
Dans cet esprit, on comprendra que notre proposition d’élire une Assemblée constituante se distingue singulièrement du projet animé par des juristes proches du Parti québécois. Ce projet consiste à écrire la Constitution de la province du Québec en prenant pour acquis le statu quo constitutionnel canadien : monarchie parlementaire de type britannique, Charte, bicaméralisme, fédéralisme, etc. Cet ersatz de constitution est au mieux inutile et, au pire, perpétue cette illusion de faux changements dont sont passés maîtres les tenants de la gouvernance provincialiste.
Vers une souveraineté populaire
Notre projet d’assemblée constituante est essentiellement porteur d’une démarche d’affirmation de souveraineté. Souveraineté nationale, mais aussi souveraineté populaire. Cette seconde dimension, celle de la souveraineté populaire, se démarque radicalement, sur le plan de la méthode, du type de débat que nous avons connu jusqu’à présent. Il ne sera plus question de confier à la classe politique et à quelques experts le soin de négocier, de réaménager une constitution (d’ailleurs, largement non écrite, le comble de l’antidémocratisme) que nous n’avons jamais choisie, mais de rédiger la nôtre en y associant le plus grand nombre de citoyennes dans le cadre d’une vaste démarche de démocratie participative.
Ces objectifs, tant de contenu que de méthode, commandent que l’Assemblée constituante, élue au suffrage universel et paritaire, soit distincte de l’Assemblée nationale. Elle devra disposer du temps et des ressources nécessaires pour animer en profondeur la discussion au sein de la société avant de soumettre au peuple le projet de Constitution. Cette démarche n’est pas sans évoquer ce que nous avons vécu dans le cadre de la Commission Bélanger-Campeau. Une démarche à la Bélanger-Campeau, oui, mais à la puissance mille !
Proposer une démarche constituante, c’est en somme nous inviter nous-mêmes à faire ce que nous n’avons jamais fait depuis la défaite de l’Insurrection de 1837-1838 : rédiger ensemble la loi fondamentale de notre État comme pierre angulaire de notre vouloir vivre ensemble. Mais ce nouveau consensus, ce nouvel acte de naissance afin de mobiliser et d’intéresser le plus grand nombre de citoyennes, ne saurait se réduire à une simple description des mécanismes de pouvoir au sein du réseau institutionnel de l’État.
Ainsi, le projet de Constitution énoncerait la double nature étatique et populaire du principe de souveraineté et ce qui en découle : la dimension républicaine et démocratique de l’État. On peut imaginer que les progressistes proposeront aux constituants et au peuple que le texte codifie, en plus des droits individuels, les grands objectifs sociaux en matière d’éducation, de santé et de logement, ainsi que le droit de vivre dans un environnement sain. La propriété et le contrôle collectifs des ressources naturelles, de l’eau et des sources d’énergie pourraient également faire l’objet d’un dispositif de portée générale. Plus classiquement, ce projet de Constitution court, simple et accessible dans sa forme permet en outre d’établir l’existence des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires ; il introduirait le principe de proportionnalité dans l’exercice des scrutins ainsi que la reconnaissance des expériences de démocratie directe.
Après le long sommeil consécutif à la défaite des révolutionnaires de 1837-1838, le projet d’indépendance a ressurgi il y a 50 ans pour subir une autre défaite en 1995, après avoir rallié, dans un environnement très hostile, presque la majorité de la population. Il ne faut surtout pas oublier ce qui s’est passé en 1995. L’État canadien, qui se présente toujours comme la quintessence de l’État de droit au niveau international, a violé les lois du Québec, a menti, a triché et a ensuite déployé un vaste réseau de corruption qui passera à l’histoire sous le nom de scandale des commandites. De plus, afin de verrouiller juridiquement tout processus émancipateur, le Parlement du Canada, son gouvernement et la Cour suprême ont proclamé la loi sur la clarté. Son principal auteur, Stéphane Dion, sera récompensé par ses collègues du Parti libéral qui le nommeront chef de parti le temps d’une élection malheureuse.
Le projet d’Assemblée constituante propose pour l’essentiel une stratégie permettant de dissocier la question nationale de la gestion provinciale, de dépasser les cadres des partis, d’arrimer un contenu social au projet de pays, et surtout de réhabiliter l’essentiel dans tout débat politique fondamental : la souveraineté populaire.