L’indépendance - Laquelle ? Pour qui ?
Le Québec et ses minorités
Le Québec de la diversité et l’indépendance
De plusieurs manières, les nationalistes québécois, entendus en un sens large qui inclut les nationalistes qui ne sont pas en faveur de l’indépendance, ont gagné la guerre qui les opposait à la fois à l’Église catholique canadienne-française et à l’État canadien. Le développement continu de l’État québécois et les dispositions législatives établissant la dominance du français dans la vie publique ont considérablement renforcé l’espace politique québécois, au point où la plupart des demandes d’intervention provenant de la société civile sont adressées à l’État québécois et discutées dans l’espace public structuré autour de ce même État.
De plus, et l’on peut en bonne partie attribuer ces changements au nationalisme québécois, les injustices flagrantes qui autrefois marginalisaient politiquement et socialement les francophones sont choses du passé, au moins au Québec. Il n’y a plus de différences significatives entre les revenus des francophones et ceux des anglophones, les institutions québécoises se sont consolidées au point d’offrir des opportunités d’emploi et des services qui se comparent à ceux de tous les pays développés. En ce sens, on peut difficilement présenter le projet d’indépendance comme une quête d’équité.
J’ajouterai que la reconnaissance de la nation québécoise fait de moins en moins problème. Je suis d’avis que les Québécoises n’ont aujourd’hui que très peu besoin de la reconnaissance du reste du Canada, de la France ou des États-Unis. Un peu à la manière des « nations confortables », le Québec a cessé d’être le théâtre continu de manifestations exaltées de patriotisme ce qui, de mon point de vue, démontre non pas une diminution du nationalisme, mais une intégration profonde de celui-ci. En ce sens, le projet d’indépendance du Québec peut difficilement être présenté comme une quête de justice.
Ainsi, je crois que les francophones du Québec se perçoivent volontiers comme un groupe majoritaire à l’intérieur de leur communauté politique ou, dit autrement, à l’intérieur de leur nation, et de moins en moins comme un groupe minoritaire. Par conséquent, les francophones ont désormais à faire face à de nouvelles responsabilités : ils doivent rendre la société qu’ils dominent plus équitable et plus juste pour les individus appartenant aux minorités présentes sur le territoire québécois.
Je pense qu’il n’est plus nécessaire de démontrer que les anglophones du Québec bénéficient de protections sécurisantes qui leur permettent une bonne intégration sociale. Il n’est cependant pas aussi certain que ce soit le cas des immigrantes et des Autochtones. Or, je pense que l’indépendance du Québec rendrait plus simple et plus obligatoire une prise de position davantage juste et équitable à leur endroit de la part de la majorité. D’une part, l’indépendance sécuriserait les acquis de celle-ci et, ainsi, diminuerait la perception de l’immigration comme une menace au maintien de la sphère publique québécoise. D’autre part, les futurs immigrants pourraient désormais choisir consciemment le Québec et identifier son État comme étant le meilleur endroit où adresser leurs demandes de reconnaissance et d’équité. Enfin, l’indépendance du Québec ne peut se faire, ni moralement ni en pratique, sans le respect du droit des Autochtones à l’autodétermination.