Se réaliser comme militant politique dans la soixantaine

Dossier : Vieillir

Dossier : Vieillir

Se réaliser comme militant politique dans la soixantaine

Paul Cliche

Même si j’ai milité politiquement dès la vingtaine, les circonstances ont fait que ce n’est que dans la soixantaine que je me suis réalisé pleinement dans ce domaine. Les nombreuses expériences que j’avais vécues auparavant m’avaient laissé insatisfait parce qu’elles n’avaient pas connu d’aboutissement qui leur aurait assuré un certain caractère de pérennité.

J’estime que la création de Québec solidaire en 2006 est la principale réalisation de ma vie de militant politique. Cette aventure, qui a permis l’union de la gauche, a commencé quelques mois après ma retraite en 1997. Avec le concours de L’aut’journal, j’ai d’abord agi comme bougie d’allumage pour mettre sur pied un mouvement d’action politique appelé le Rassemblement pour une alternative politique (RAP). Ce dernier a regroupé quelques centaines de progressistes se sentant trahis par la conversion au néolibéralisme du gouvernement péquiste de Lucien Bouchard. Puis est survenue, en 2001, l’élection dans Mercier où, pour la première fois, la plupart des petits partis de gauche se sont ralliés autour d’une candidature commune. J’ai eu l’honneur d’être le porte-étendard de cette alliance et j’ai obtenu un score inespéré de près de 25 % des votes. Ce résultat probant a permis de franchir une étable cruciale : la fusion de trois partis de gauche qui, en 2002, donne naissance à l’Union des forces progressistes (UFP). Pour couronner cette avancée survient, en 2006, la création de Québec solidaire, issu de la fusion de l’UFP et du mouvement Option citoyenne. Et aujourd’hui encore, à l’orée de ma 85e année, je contribue du mieux que je peux au combat pour l’émancipation sociale et la libération nationale du Québec.

Entre jeunes et personnes retraitées

La réussite de ce processus s’explique en bonne partie par la collaboration qui s’est établie entre plusieurs vétérans des luttes sociopolitiques à la retraite et une armée de jeunes militant·e·s qui en étaient à leur première expérience. Une autre constatation : les personnes aînées n’ont jamais tenté de monopoliser les postes de direction ni de s’accrocher à ceux-ci. Elles s’en sont retirées graduellement pour laisser place à la relève tout en continuant à militer de façon plus effacée. Je profite de l’occasion pour rendre hommage à l’une de ces militantes de l’ombre : Christine Dumas, décédée il y a quelques mois.

Je crois donc fermement à la nécessité de l’implication des personnes aînées en politique. J’ai moi-même bénéficié du soutien idéologique de Pierre Vadeboncoeur au Secrétariat d’action politique de la CSN à la fin des années 1960 alors que nous implantions des comités d’action politique à tous les niveaux de la centrale. Par la suite, Michel Chartrand est devenu mon mentor. D’abord dans l’aventure du FRAP, ce parti de gauche montréalais, dont j’étais le président, qui a affronté le maire Jean Drapeau lors des élections municipales coïncidant avec la crise d’Octobre de 1970. Puis dans la mise en œuvre des chantiers auxquels la CSN a collaboré dans le cadre du « deuxième front [1] » : l’hebdomadaire à grand tirage Québec-Presse et les supermarchés coopératifs Cooprix.

Le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN) constitue un autre cas où l’apport des aîné·e·s se fait sentir de façon bénéfique. Créé en 1999, cet organisme communautaire, dont j’ai été l’un des cofondateurs, n’a cessé de faire la promotion de l’instauration d’un mode de scrutin proportionnel au Québec. Deux personnes aînées sont aujourd’hui au gouvernail : l’ancien ministre péquiste Jean-Pierre Charbonneau, qui est président du MDN, tandis que l’ancienne députée solidaire Françoise David en est la vice-présidente.


[1Voir Philippe Boudreau, « Le Deuxième front a 50 ans », À bâbord !, no 78, mars 2018. Disponible en ligne. NDLR.

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